Comme à son habitude, Mario Draghi n’a pas mâché ses mots. « Si l’Europe continue à payer son énergie trois à cinq fois plus cher que les autres, elle n’a aucune chance de rester compétitive. » Mercredi 9 octobre, l’ancien président du conseil italien et ex-président de la Banque centrale européenne a débattu de son rapport sur la compétitivité de l’Europe avec des ambassadeurs et industriels réunis au siège parisien de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Pour lui, pas de doute, la décarbonation de l’économie est une source de croissance pour l’Europe, ne serait-ce que parce qu’elle est supposée baisser sensiblement sa facture énergétique. Il a rappelé qu’aujourd’hui, il était deux fois moins onéreux de produire de l’électricité avec du solaire ou de l’éolien qu’avec du gaz.
A ses côtés, le directeur général de l’AIE, Fatih Birol, buvait du petit-lait. C’est exactement le message qu’il tente de faire passer à ses pays membres, rapport après rapport. Justement, ce même 9 octobre, son organisation publiait son ouvrage annuel sur l’état des renouvelables. Il est sans équivoque : celles-ci sont en train de gagner la bataille de l’énergie.
Alerte
D’après ses experts, elles devraient représenter dès 2030 plus de 50 % de la production d’électricité dans le monde. En à peine cinq ans sera ajoutée l’équivalent de la capacité de production combinée de la Chine, de l’Europe, des Etats-Unis et de l’Inde. Car les prix se sont effondrés. Depuis début 2023, les tarifs des panneaux solaires ont encore chuté de moitié du fait des surcapacités en Chine, qui représenteraient deux fois la demande mondiale.
Une tendance confirmée par un autre rapport très regardé dans le monde de l’énergie, celui du cabinet de recherche Rhodium qui, chaque année, publie l’état des émissions de gaz à effet de serre et ses prévisions à long terme. Selon ses calculs, les énergies renouvelables devraient représenter 67 % de la production d’électricité dans le monde en 2050 contre 14 % aujourd’hui.
Pour l’AIE, cela devra s’accompagner d’un effort considérable sur la modernisation du réseau, avec la construction de 25 millions de kilomètres de nouvelles lignes électriques et l’ajout de 1 500 gigawatts de capacités de stockage. Dans certains pays, notamment du Sud, jusqu’à 10 % de l’énergie produite par les renouvelables est gaspillée. D’où l’alerte lancée par Mario Draghi sur l’urgence d’un investissement européen commun pour moderniser son réseau électrique. Et tout cela pas demain, mais aujourd’hui, pour se préparer sans dommages à l’échéance de 2030. Mais les politiques ont-ils encore tout cela en tête ?