Le 27 juin, avant les élections législatives anticipées, dans l’enquête électorale Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès, le centre de recherches politiques de Sciences Po et l’Institut Montaigne, nous dressions le portrait d’un électorat du Rassemblement national (RN) animé par l’espoir, qui accueillait la décision présidentielle avec enthousiasme. Les requêtes répétées des cadres de leur parti avaient été entendues, le résultat des élections européennes aurait des conséquences nationales, le temps de l’alternance était venu. C’était leur tour.
Quelques semaines plus tard, comme le révèle la dernière vague de notre enquête électorale, réalisée du 26 juillet au 1er août, l’état d’esprit des électeurs a basculé de l’espoir à la déception (48 %) et à la colère (30 %). Des 45 % d’électeurs RN animés par l’espoir au mois de juin, ils ne sont plus que 7 % à exprimer ce sentiment, les 12 % qui exprimaient leur soulagement ne sont, eux, plus que 1 %. Grand renversement aussi sur la perception de la dissolution de l’Assemblée nationale : si 75 % des électeurs RN s’y disaient favorables en juin, ils sont 74 % aujourd’hui à considérer que cette décision et les résultats qui ont suivi ont eu des conséquences négatives pour la France. C’est le taux de déception le plus élevé dans l’électorat, juste après celui des électeurs Reconquête ! (78 %).
S’agissant du front républicain, ils sont une large majorité (68 %) à considérer qu’il s’agit d’une « tactique permettant aux partis traditionnels de conserver le pouvoir ». Par ailleurs, 76 % seraient favorables à une démission d’Emmanuel Macron, et 90 % déclarent ne pas avoir confiance en l’Assemblée nationale nouvellement élue. Une défiance considérable et inégalée ailleurs dans l’électorat – celui de Reconquête ! mis à part. Ecarté de tous les postes à responsabilité au Palais-Bourbon, le RN est marginalisé, et son électorat en tire un immense sentiment d’injustice et de gâchis.
Immigration, préoccupation première
Le vote aux législatives, lui, a été porté par trois principaux moteurs. L’adhésion aux propositions du RN sur l’immigration arrive largement en tête, mentionnée par 47 % de leurs électeurs (qui pouvaient choisir jusqu’à trois propositions) – un pourcentage qui grimpe à 55 % chez les hommes de plus de 60 ans et chez les bac + 5. On observe également une corrélation entre le niveau de revenu et l’importance des propositions du parti sur l’immigration : 20 points séparent les foyers les plus riches des plus modestes. Ainsi, 37 % de ceux gagnant moins de 1 250 euros par mois retiennent l’immigration comme moteur, 57 % pour ceux dont le revenu mensuel net est supérieur à 5 000 euros. L’immigration enfin est la préoccupation première des électeurs RN s’estimant très satisfaits de leur vie (50 %), loin devant toutes les autres.
Il vous reste 52.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.