A Scranton (Pennsylvanie), dans les années 2000, la branche locale de l’entreprise Dunder Mifflin est spécialisée dans la vente de papier. A la manière d’un documentaire parodique, la série The Office [2005-2013, 201 épisodes] suit le quotidien de ses salariés durant neuf saisons, à « ras de moquette ».
On y trouve notamment Jim, un commercial désabusé qui, décrivant son métier, conclut : « Je m’ennuie rien que d’en parler. » Il y a aussi Michael, le manageur, qui multiplie maladroitement les initiatives (remises de trophées, goûters d’anniversaire…) pour favoriser la cohésion interne, et, surtout, gagner l’affection de ses employés. Au fil des épisodes se dessinent un collectif de travail et toute la complexité de ses interactions, faites de liens et de tensions.
La série, qui place la question managériale au cœur de sa narration, a connu un vif succès. Au point de devenir, comme d’autres productions appréciées du public (Breaking Bad, Engrenages…), un objet d’étude pour la recherche scientifique. Que donnent-elles à voir du management ? En quoi sont-elles « bonnes à penser » et permettent-elles d’enrichir la connaissance du grand public, mais aussi des chercheurs, sur le monde de l’entreprise et de la gestion d’équipe ? Leur contenu et leur apport ont notamment été analysés lors d’un colloque, « Management en séries », en 2023, à l’université Gustave-Eiffel. Une partie des actes a été publiée dans la revue Saison, et ces contributions ont abouti à un ouvrage, « Management en séries – Saison 1 », publié en février 2025 aux éditions EMS.
Les participants mettent en premier lieu en lumière la capacité de ces séries à offrir une « lecture critique » des pratiques gestionnaires et, par ricochet, à « construire une culture politique populaire ».
Un rôle d’aiguillon
C’est le cas par exemple d’Engrenages qui va, dans la saison 7, « fai[re] entrer le spectateur dans la boîte noire de la politique hospitalière », explique Jean-Paul Domin, professeur en sciences économiques à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Elle met en scène une « dictature du chiffre » et une « taylorisation de l’hôpital public » qui fait écho aux mutations managériales du secteur en France, soulignant en particulier leurs conséquences délétères sur les conditions de travail du personnel et sur les soins apportés aux patients.
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