Entre tendance de fond et crise du pouvoir d’achat, les Français ont de nouveau réduit leur consommation de spiritueux en 2024. Les achats ont reculé de 2,6 % en volume sur un an, aussi bien en grandes surfaces que chez les cavistes, cafés, duty free…, a annoncé, jeudi 12 juin, la Fédération française des spiritueux (FFS), citant les douanes.
Les grandes et moyennes surfaces ont écoulé 247 millions de litres de ces alcools distillés d’au moins 15 %, soit une diminution de 3,8 % et une quatrième année consécutive de baisse, selon Nielsen IQ. C’est la première baisse en valeur depuis 2018, à − 3,6 % (4,9 milliards d’euros). Les traditionnels whiskys et anisés – plus de la moitié des ventes en supermarchés – poursuivent leur recul, de même que les marques « premium », quand le « festif » (alcools blancs) résiste mieux, analyse la FFS.
Tendances identiques pour les cafés et restaurants, avec 20,8 millions de litres, soit − 2 %, loin du rebond post-Covid. Ce repli s’explique en partie par une météo 2024 défavorable, estime la FFS, qui désigne le spritz « grand gagnant » avec + 32 % en valeur.
« On a le sentiment d’une mutation de la consommation qui chaque année se renforce », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) le directeur général de la FFS, Thomas Gauthier. « Que ce soit les consommations moyennes, les consommations des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, les consommations modérées ou les consommations excessives, tous les indicateurs sont à la baisse. Depuis quelque temps (…) on a des non-consommateurs absolus, qui ne boivent pas une goutte, ni chez eux ni dans un cadre de convivialité, et qui l’assument, et cela représente 15 % », a-t-il ajouté.
Et, à ce stade, les spiritueux sans alcool « n’ont pas pris » en France, admet-on à la FFS. Explorant « ce qui marche », les fabricants mettent plutôt en avant les produits offrant une « expérience », et ceux qui « racontent une histoire », un terroir.
Recul de 7,5 % des exportations françaises
En attendant, ces difficultés nationales s’ajoutent aux complications à l’export, qui représente la moitié du chiffre d’affaires de la filière. Après – 12 % en 2023, puis – 6,5 % en 2024, les exportations françaises ont encore reculé de 7,5 % sur les quatre premiers mois de 2025, sur fond de litiges avec la Chine et les Etats-Unis, ses premiers marchés étrangers.
En Chine, où cognac et armagnac font l’objet d’une enquête antidumping en rétorsion à des mesures européennes sur les voitures électriques, le sujet fait depuis quelques semaines l’objet de discussions bilatérales avec la France, et pas seulement par l’Union européenne (UE), s’est félicité jeudi Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). Sur la table figure la proposition d’un prix minimum pour les alcools français, qui réduirait leur compétitivité, mais serait quand même inférieur aux droits de douane envisagés par Pékin (30 % à 39 %).
Avant la publication de l’enquête chinoise annoncée pour le 5 juillet, « on attend donc une conclusion positive », souligne M. Picard, même si cela « ne sera sûrement pas la fin de l’histoire parce qu’il reste un climat politique tout à fait compliqué en Chine ». Quant aux droits de douane américains, « on ne sait jamais où cela peut atterrir avec M. Trump. Ce qu’on considère, c’est qu’il y a un canal de discussion plutôt correct » avec l’UE, fixé jusqu’au 9 juillet.
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Dans ce contexte, la filière demande à l’Etat français « de la stabilité » fiscale et réglementaire, au moment où le gouvernement cherche à boucler son budget. Le secteur souligne qu’il génère 150 000 emplois et 17 milliards d’euros de PIB.
Interrogé sur l’impact social, Jean-Pierre Cointreau, de la Maison des Vins et spiritueux, s’est voulu rassurant jeudi : « il y a plusieurs étapes avant le déclenchement de PSE. Il faut ne pas voir les choses en noir en permanence. (…) Ça fait des décennies que nos entreprises investissent pour être moteur commercial des produits agricoles français. On va continuer à le faire et on trouvera des solutions. » Le secteur dit aussi viser de grands marchés : Inde, Canada, Brésil…
La Fédération des exportateurs appelle ainsi à la ratification du traité de libre-échange UE-Canada (Ceta), appliqué provisoirement actuellement. En revanche elle ne soutient pas le projet UE-Mercosur, qui suscite l’ire des agriculteurs français, appelant à un accord sectoriel UE-Brésil sur les alcools.