- Chaque année, 11.500 mineurs commettent des violences sexuelles.
- Un rapport remis au gouvernement l’invite à « lever d’urgence » le tabou sur ce sujet « loin d’être anecdotique ».
- Il comprend une quarantaine de préconisations pour endiguer le problème et renforcer la prévention.
C’est un sujet « loin d’être anecdotique »
dont le tabou est « à lever d’urgence ».
Un rapport sur les mineurs auteurs de violences sexuelles a été remis ce mardi 16 septembre au gouvernement pour l’inciter à renforcer la prévention visant à endiguer le phénomène.
« On a 11.500 mineurs qui commettent des violences sexuelles chaque année, ça représente environ 30% des auteurs de violences sexuelles sur mineurs »
, souligne la psychiatre Anne-Hélène Moncany. « C’est loin d’être anecdotique, il y a vraiment urgence à lever ce tabou pour protéger les enfants »,
estime la présidente de la Fédération française des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (FFCRIAVS).
À l’initiative de la fédération, une audition publique s’est tenue en juin sur cette problématique. Ses conclusions, réunies dans le rapport, ont été rédigées par l’ex-secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet et la pédopsychiatre Clémentine Rappaport. Il contient une quarantaine de préconisations et appelle à un changement d’approche.
« Jusqu’à présent, l’accent a surtout été mis sur la réponse répressive après coup, bien plus que sur l’action préventive en amont »
, relèvent les auteurs du rapport. Or, « pour casser le cycle des violences »
, il est « indispensable de mieux connaître ces mineurs auteurs, de comprendre leurs parcours et d’agir avant qu’un drame ne se produise »
. Car s’il « n’y a pas un profil type de mineur auteur de violences sexuelles », « on sait qu’il y a des facteurs de risque sur lesquels on peut travailler »
, abonde Anne-Hélène Moncany.
« 93% des auteurs mineurs sont des garçons »
Parmi ces facteurs, la psychiatre cite le fait d’avoir été soi-même victime de violences sexuelles, d’avoir grandi dans une famille dysfonctionnelle ou encore d’avoir été exposé trop prématurément à de la sexualité et de la pornographie. « Mais cela ne suffit pas à expliquer qu’on commette des violences sexuelles, il faut le considérer comme une vulnérabilité qui peut favoriser ensuite le passage à l’acte »,
précise-t-elle. D’où l’importance d’agir en amont, complète Adrien Taquet.
En matière de prévention, le rapport préconise de donner toute sa place à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires. « 93% des auteurs mineurs sont des garçons »,
rappellent les auteurs du rapport, un « déséquilibre »
qui « amène à interroger la construction des rôles de genre et des modèles de domination transmis aux enfants. »
Au-delà de l’école, le rapport recommande donc d’inciter les plateformes vidéo, l’industrie du jeu vidéo, les réseaux sociaux et les influenceurs à « promouvoir des contenus éducatifs et égalitaires
» et de « mettre en place des messages d’alerte et de prévention qui apparaîtraient sous forme de pop-up » lors de « consultations répétées »
de contenus pornographiques.
Sensibiliser les parents
Les parents ont également un rôle important à jouer, avance Adrien Taquet. « Il faut les sensibiliser sur le fait que leur enfant peut être victime de violences sexuelles mais qu’ils peuvent aussi être auteurs »,
estime-t-il. Le rapport recommande ainsi « d’informer et outiller les parents dès les premières étapes de la vie de l’enfant, voire dès la grossesse, sur le développement psychosexuel de l’enfant et l’éducation à l’intimité ».
La réponse judiciaire gagnerait quant à elle à être revue, selon le rapport qui juge essentiel de ne pas considérer les mineurs « comme des adultes miniatures ». « Un enfant ou un ado en conflit avec la loi reste avant tout un mineur en développement, dont la priorité doit être la protection et l’éducation »
, précise le rapport qui préconise entre autres la saisine immédiate d’un juge des enfants au civil dès qu’un mineur fait l’objet d’une enquête pour violence sexuelle.
« Il n’y a aucune fatalité, un mineur qui est passé à l’acte ne va pas rester agresseur sexuel à vie »
, insiste Anne-Hélène Moncany. « S’ils sont bien accompagnés, le taux de récidive est faible, autour de 8% sur deux ans et quasi nul sur cinq ans. »
Après la publication du rapport, Sarah El Haïry, haute-commissaire à l’Enfance, a déclaré soutenir « deux mesures fortes »,
l’interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et la vérification « stricte » de l’âge sur les sites pornographiques. Elle a redit « sa détermination »
à « protéger tous les enfants, de toutes les violences ».