- Invitée sur Radio Classique lundi 1er septembre, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) s’est déclarée préoccupée par une possible chute du gouvernement en France.
- Christine Lagarde a toutefois jugé peu probable la mise sous tutelle de la France par le Fonds monétaire international (FMI).
- Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), décrypte ces déclarations pour TF1info.
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Invitée sur Radio Classique lundi 1er septembre, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a reconnu l’impact négatif qu’une éventuelle chute de gouvernement pourrait avoir sur les marchés financiers et la zone euro. Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et enseignante à Sciences Po Paris, livre son éclairage pour TF1info.
L’instabilité politique est perçue comme un frein à la croissance future.
L’instabilité politique est perçue comme un frein à la croissance future.
Céline Antonin, économiste
Concrètement, comment la chute du gouvernement Bayrou impacterait-elle les marchés financiers ?
En cas d’instabilité politique – par exemple, lorsqu’un gouvernement doit être remplacé – cela envoie un signal négatif aux marchés financiers. Les investisseurs exigent alors une prime de risque plus élevée, ce qui se traduit par une augmentation des taux d’intérêt auxquels la France emprunte. Autrement dit, le coût de la dette est renchéri.
Cette prime de risque s’explique par le fait que l’instabilité politique est perçue comme un frein à la croissance future : les ménages consomment moins, les entreprises investissent moins et l’activité économique ralentit. Par exemple, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) avait estimé qu’en 2024, le choc d’incertitude provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale et la démission du gouvernement Barnier (nouvelle fenêtre) avait entraîné une baisse de croissance d’environ 0,3 point en 2025. C’est loin d’être anecdotique.
Cela dit, ce que les marchés regardent avant tout, c’est la soutenabilité de la dette d’un pays, c’est-à-dire sa capacité à honorer ses engagements futurs. Et malgré l’instabilité politique, personne n’anticiperait aujourd’hui que la France fasse défaut sur sa dette.
Une crise politique en France ne signifie pas nécessairement qu’il y aura un effet « tache d’huile » sur les autres pays.
Une crise politique en France ne signifie pas nécessairement qu’il y aura un effet « tache d’huile » sur les autres pays.
Céline Antonin, économiste
Comment cette instabilité politique pourrait-elle affecter la zone euro ?
Ce n’est jamais bon signe de voir un grand pays de la zone euro traverser une crise d’incertitude politique (nouvelle fenêtre). Si la croissance française est affectée, cela pèse mécaniquement sur celle de la zone euro dans son ensemble, notamment via le canal du commerce inter-pays. La France étant l’un des moteurs de l’Union européenne, cela renvoie forcément l’image d’une zone plus atone. Il faut toutefois relativiser : une crise politique en France ne signifie pas nécessairement qu’il y aura un effet « tache d’huile » sur les autres pays.
Christine Lagarde pense sans doute à la crise des dettes souveraines, lorsque le cas grec avait attiré l’attention sur d’autres pays endettés, regroupés à l’époque sous l’acronyme de « PIIGS » (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne). Les taux d’intérêt avaient d’abord augmenté en Grèce, puis au Portugal, en Irlande, en Espagne, en Italie. Mais aujourd’hui, les circonstances sont différentes : nous sommes face à une situation singulièrement française.
Eric Lombard a évoqué une possible mise sous tutelle de la France par le FMI. Qu’est-ce que cela changerait et pourquoi en parler aujourd’hui ?
Je pense qu’il s’agit avant tout d’un message politique, dans la lignée de celui de François Bayrou, pour provoquer un électrochoc et souligner l’urgence de traiter sérieusement la question de la dette publique et du déficit. La mise sous tutelle se produit lorsqu’un pays n’arrive plus à se financer sur les marchés financiers et sollicite une aide auprès du FMI, généralement assortie de conditions strictes comme une politique d’austérité douloureuse. Or, à ce jour, la France n’a aucun mal à se financer sur les marchés. Elle parvient à placer sa dette publique. Le coût de la dette est loin d’être insoutenable.
Des mises sous tutelle se sont déjà produites dans des contextes bien plus graves et sérieux, notamment avec la Grèce, où le pays ne pouvait plus accéder aux marchés financiers et voyait sa dette publique atteindre des niveaux records. Le gouvernement avait du mal à lever des impôts. La France est encore loin de cette situation.