À partir du 1ᵉʳ janvier 2025, les dentistes seront incités à s’installer dans des déserts médicaux.
L’Assurance maladie leur versera une prime s’ils acceptent de travailler dans une zone « très sous-dotée ».
Plus de 22.000 communes ou arrondissements sont concernés.
C’est une petite révolution dans le monde médical. À partir du 1ᵉʳ janvier 2025, les chirurgiens-dentistes ne seront plus totalement libres d’exercer où ils veulent. L’Assurance maladie (nouvelle fenêtre) a conclu un accord avec les deux syndicats majoritaires de la profession, Chirurgiens-dentistes de France (CDF) et Fédérations des syndicats de dentistes libéraux (FSDL), pour instaurer un système de bonus malus selon le lieu d’installation. Le but : résorber les déséquilibres entre les territoires.
Des zones critiques classées en rouge
Concrètement, si un dentiste s’engage à travailler pendant au moins cinq ans dans une zone qui manque de praticiens, il recevra une prime de 50.000 euros, le double de l’aide forfaitaire à l’installation actuellement octroyée. Cartosanté (nouvelle fenêtre), l’outil statistique du ministère de la Santé, recense 22.617 zones rouges, dites « très sous-dotées ». Souvent situés dans des territoires ruraux, ces communes ou arrondissements n’ont parfois qu’un seul dentiste pour plusieurs milliers d’habitants. Difficile dès lors de se faire soigner une carie ou poser un implant. C’est le cas en Creuse, dans l’Allier, l’Orne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis) ou encore à Vaulx-en-Velin (Rhône).
A contrario, 73 zones sont « non prioritaires », comme la majorité des arrondissements parisiens, Strasbourg ou Castelnau-le-Lez (Hérault). Rien n’empêchera les dentistes d’y installer leur cabinet mais leurs patients ne seront alors pas remboursés par l’Assurance maladie. Si la mesure n’est donc pas contraignante, elle est fortement incitative. Une exception a été prévue : en cas de départ à la retraite ou de cessation d’activité d’un professionnel, un dentiste pourra le remplacer, selon le principe « une arrivée pour un départ ».
Ceux qui sont déjà installés ou qui sont spécialisés « en médecine bucco-dentaire, en chirurgie orale et en orthodontie » ne sont pas concernés par cette nouveauté et pourront continuer à être conventionnés. Des dérogations « liées à la vie personnelle » pourront aussi être accordées au cas par cas. Cependant, les centres de santé qui salarient les médecins seront également limités dans leur installation ou dans leur extension. Pour toutes les autres zones, de « sous-dotée » à « sur-dotée », ces bonus malus ne seront pas appliqués. La catégorisation sera actualisée tous les deux ans.
Les étudiants opposés à ce système « coercitif »
À la veille de son entrée en vigueur, cette nouvelle régulation ne semble pas effrayer les professionnels. « Cela répond à une logique qui est comprise par l’ensemble de la profession », assure à l’AFP David Lafond, vice-président du Conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du Grand Est, qui exerce lui-même à Strasbourg. « Et puis il ne sera pas impossible de s’installer : cela implique de reprendre un cabinet, en sachant qu’il y a un grand renouvellement des praticiens à prévoir. Ici, beaucoup de dentistes partent en retraite », affirme-t-il. Julien Cardona, secrétaire général adjoint de CDF, se réjouit de son côté de l’accord obtenu « dans le sens où il privilégie davantage de chirurgiens dentistes qu’il n’en pénalise ».
Mais chez les étudiants et les jeunes diplômés, la mesure est moins bien acceptée. « Pour nous, c’est le début d’un système coercitif », s’agace Ralitsa Androlova, présidente de l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD). « Ce dispositif met fin à la liberté d’installation, alors qu’on s’engage dans ces études pour exercer un métier libéral. »
La mesure existe déjà pour les infirmiers, les sages-femmes, les kinésithérapeutes ou encore les pharmaciens. S’appliquera-t-elle bientôt aux médecins généralistes ? C’est ce qu’espèrent 237 députés de tous bords qui ont déposé le 3 décembre une proposition de loi, visant à autoriser l’installation d’un médecin dans une zone où l’offre de soins est déjà suffisante seulement si un praticien y cesse son activité.