HISTOIRE TV – SAMEDI 25 JANVIER À 1 H 20 – DOCUMENTAIRE
Le goût et l’invention du luxe ne sont pas une singularité française. Mais la France fera tout pour imiter et coloniser les sources et la fabrication de produits d’exception qui se trouvaient sous la houlette jalousement surveillée de pays voisins ou lointains.
Documentaire historique avenant et renseigné, L’Invention du luxe à la française se concentre sur trois savoir-faire emblématiques : l’art du miroir, en Italie – à Venise en particulier ; l’art des étoffes, en Hollande – à Leyde notamment ; l’art ancestral de la porcelaine et la maîtrise de fours gigantesques, en Chine.
Les miroirs et la porcelaine sont en France l’objet d’une convoitise d’autant plus aiguë que leurs recettes de fabrication sont inconnues des manufactures du pays. Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), ministre des finances de Louis XIV, envoie des émissaires – des ecclésiastiques en particulier –, afin d’espionner et de débaucher autant qu’il est possible des ouvriers en leur promettant en retour une situation privilégiée. Dans le domaine du miroir et des glaces, des ouvriers immigrés travailleront à Paris à la manière de Venise, mais ne lâcheront pas leurs secrets de fabrique − certains seront assassinés par des mercenaires italiens.
Technique révolutionnaire
Longtemps après, la France trouvera à son tour une technique révolutionnaire qui permettra la fabrication de très grands miroirs d’un seul tenant, alors que la galerie des Glaces, à Versailles, était constituée de grands miroirs composés de pièces assemblées. Dès lors, la Manufacture royale de glaces de miroirs régnera en maître en Europe.
La porcelaine chinoise, longtemps inégalée et abordable seulement par les très grandes fortunes, trouvera un débouché dans le royaume de France par la Manufacture de porcelaine de Sèvres, après la découverte, près de Limoges, d’une des roches qui en permettaient la fabrication, selon les critères asiatiques de transparence et de solidité.
Le sujet, le format long et les choix de réalisation faits par Stéphane Bégoin et Flore Kosinetz, les auteurs de L’Invention du luxe à la française, semblent adaptés aux attentes présumées du grand public. Très instructif, documenté et traversé par des prises de parole scientifiques et historiques – notamment celle de Laurence Picot, autrice du livre Les Secrets du luxe, (E/P/A, 2020), à l’origine de cette réalisation –, ce documentaire se situe entre les dramatiques du bon vieux service public à la française (autre marque de fabrique…) et Versailles, la rutilante série de Canal+.
Il ne perdrait pas grand-chose à être délesté de la plupart des scènes qui reconstituent les réunions avec (puis sans) Colbert, les sévères contrôles de qualité dans les fabriques provinciales avec nobles, bourgeois et manants incarnés par une palanquée d’acteurs assez médiocres.
Le Monde Ateliers
Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir
Par ailleurs, le dégagement conclusif du film intrigue. Il évoque la naissance de la haute couture, autre domaine essentiel et toujours régnant du luxe à la française – à travers la figure de Rose Bertin (1747-1813), qui ouvre un magasin de mode en 1770 et habille bientôt la reine Marie-Antoinette. Mais il frustre d’autant plus le spectateur qu’il semble mériter et annoncer une suite qui n’aura pas lieu.
L’Invention du luxe à la française, de Stéphane Bégoin, écrit avec Flore Kosinetz (Fr., 2019, 90 min). Histoire TV