Après plus de trois ans de négociations, les pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont approuvé, mercredi 15 avril, par consensus un texte historique visant à mieux se préparer et lutter contre les futures pandémies.
« Ce soir marque une étape importante dans notre voyage commun vers un monde plus sûr », a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, aux délégués vers 4 heures, à Genève. « Vous avez écrit l’histoire », leur a-t-il dit. Pour l’OMS, ses Etats membres « ont fait un grand pas en avant dans les efforts visant à rendre le monde plus sûr face aux pandémies, en élaborant un projet d’accord qui sera examiné lors de la prochaine Assemblée mondiale de la Santé, en mai ».
Il aura fallu une dernière journée et une nuit de négociation, avant que l’ensemble du texte soit validé. « On a topé à 1 h 58 », a indiqué, à l’Agence France-Presse, un délégué, tandis que l’OMS préparait le champagne. « En parvenant à un consensus sur l’accord sur la pandémie, non seulement elles ont mis en place un accord générationnel pour rendre le monde plus sûr, mais elles ont également démontré que le multilatéralisme est bien vivant et que, dans notre monde divisé, les nations peuvent encore travailler ensemble pour trouver un terrain d’entente et une réponse partagée aux menaces communes », a relevé M. Tedros.
Cinq ans après l’arrivée du Covid-19, ses millions de morts et une économie mondiale dévastée, l’accord doit permettre de mieux préparer le monde, loin d’être équipé pour affronter une autre pandémie, selon l’OMS et les experts.
Transfert de technologies
Les négociations avaient pourtant avancé plus lentement que prévu mardi, après trois jours de pause, butant essentiellement sur le transfert de technologies pour la production de produits de santé liés aux pandémies, en particulier au profit des pays en développement.
Le sujet avait été au cœur des nombreux griefs des pays les plus démunis lors de la pandémie de Covid-19, quand ils voyaient les pays riches s’approprier les doses de vaccin et autres tests. Plusieurs pays, où l’industrie pharmaceutique pèse lourd dans l’économie, sont opposés à l’idée d’obligation de transfert et insistent sur son caractère volontaire. Un consensus a émergé autour du principe de transfert de technologies « convenu d’un commun accord ».
Considéré comme une des pièces centrales du texte, ce dernier prévoit la création d’un « système d’accès aux agents pathogènes et de partage des avantages », à savoir les produits de santé découlant de leur utilisation, comme des vaccins ou des tests, par exemple. Le texte vise également à élargir l’accès à ces produits en établissant un réseau mondial de chaîne d’approvisionnement et de logistique.
« C’est un accord historique pour la sécurité sanitaire, l’équité et la solidarité internationale », a déclaré Anne-Claire Amprou, coprésidente de l’organe de négociation et ambassadrice de France pour la santé mondiale. « Il est adopté », a-t-elle dit, sous un tonnerre d’applaudissements, se disant émue et fatiguée.
Virus pire qu’une guerre
Le chef de l’OMS a rejoint les négociateurs mardi en fin de journée et en a profité pour s’adresser à la presse. Pour lui, le texte est « équilibré » et apporte « plus d’équité ». Surtout, il a exhorté à ne pas perdre de vue l’essentiel : « Le coût de l’inaction est bien plus élevé » parce que « le virus est le pire ennemi, il pourrait être pire qu’une guerre ».
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Les négociations se sont déroulées dans un contexte de crise du multilatéralisme et du système de santé mondial, provoqué par les coupes drastiques dans l’aide internationale américaine décidée par Donald Trump, alors que les Etats-Unis étaient de très loin le principal donateur humanitaire. Ils étaient aussi absents des négociations, le président américain ayant décidé que les Etats-Unis quittaient l’organisation.
« A une époque où le multilatéralisme est menacé, les Etats membres de l’OMS se sont unis pour dire que nous vaincrons la prochaine menace de pandémie de la seule manière possible : en travaillant ensemble », a commenté Helen Clark, coprésidente du groupe d’experts indépendants pour la préparation et la réponse aux pandémies.