Les progrès dans la lutte contre la mortalité maternelle stagnent et sont désormais menacés par les coupes dans l’aide humanitaire, qui sapent les services de santé, a averti l’ONU lundi 7 avril.
Un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au nom de plusieurs agences de l’ONU, fait état d’une baisse de 40 % de la mortalité maternelle entre 2000 et 2023 dans le monde, en grande partie grâce à l’amélioration de l’accès aux services de santé essentiels. Mais les progrès ont ralenti au cours de la dernière décennie.
« Certaines régions sont déjà en train de reculer. Dans ce contexte de fragilité, la complaisance n’est pas seulement dangereuse, elle est mortelle », a déclaré la directrice de la santé sexuelle et reproductive à l’OMS, Pascale Allotey, en conférence de presse.
L’OMS estime à 260 000 le nombre de femmes décédées en 2023 à la suite de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement, soit « un décès toutes les deux minutes ». Les pays pauvres sont les plus touchés.
« Si ce rapport montre des lueurs d’espoir, les données soulignent également à quel point la grossesse reste dangereuse dans une grande partie du monde aujourd’hui », a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans un communiqué. « En plus de garantir l’accès à des soins de maternité de qualité, il sera essentiel de renforcer la santé et les droits reproductifs des femmes et des jeunes filles », a-t-il ajouté.
Le rapport est publié alors que les réductions dans l’aide humanitaire, en particulier depuis le retour au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, ont de graves répercussions sur les soins de santé essentiels dans de nombreuses régions, y compris dans des situations humanitaires.
« Nous allons être confrontés à des vents contraires de plus en plus forts », a averti le docteur Bruce Aylward, sous-directeur général à l’OMS, lors de la conférence de presse, expliquant que la réduction de l’aide touche l’accès aux médicaments et au matériel médical mais aussi au personnel qualifié.
Forte hausse de la mortalité maternelle pendant le Covid
Le Covid-19 a servi de leçon pour montrer les terribles dégâts que peuvent faire les interruptions des services de santé. Ainsi, tout comme pour cette pandémie, les coupes drastiques dans l’aide des Etats-Unis à l’étranger sont un « choc aigu auquel les pays n’ont pas eu le temps » de se préparer. « Les réductions de fonds alloués risquent non seulement de compromettre les progrès mais aussi d’entraîner un retour en arrière », a insisté M. Aylward.
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Le rapport fournit d’ailleurs le premier aperçu mondial de l’impact du Covid sur la mortalité maternelle. « Environ 40 000 décès maternels supplémentaires ont été enregistrés en 2021, soit 322 000 contre 282 000 l’année précédente », a précisé aux journalistes Jenny Cresswell, scientifique à l’OMS et auteure du rapport. « Cette augmentation est liée non seulement aux conséquences directes du Covid-19, mais aussi aux interruptions généralisées des soins de maternité », a-t-elle précisé.
Inégalités persistantes dans le monde
Le rapport met aussi en évidence des inégalités persistantes dans le monde. Avec une baisse de la mortalité maternelle d’environ 40 % entre 2000 et 2023, l’Afrique subsaharienne a réalisé des progrès significatifs et est l’une des trois régions des Nations unies, avec l’Australie/Nouvelle-Zélande et l’Asie centrale et du sud, à avoir enregistré des baisses significatives après 2015. Malgré cette amélioration, l’Afrique subsaharienne représentait environ 70 % des décès maternels en 2023.
Signe d’un ralentissement des progrès dans le monde, la lutte contre la mortalité maternelle a stagné dans cinq régions depuis 2015 : en Afrique du nord, en Asie de l’ouest, de l’est et du sud-est, en Océanie (à l’exclusion de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande), en Europe et en Amérique du Nord, et en Amérique latine/Caraïbes.
Le taux de mortalité maternelle aux Etats-Unis est « très bas » mais « c’est l’un des pays où l’on observe des tendances à la hausse », en progression de 38 % entre 2000 et 2023, a expliqué Mme Cresswell. Elle estime en revanche qu’il est prématuré de se prononcer sur les effets de la levée de la protection fédérale de l’avortement aux Etats-Unis en 2022.