La « rencontre secrète » n’était pas destinée à le rester trop longtemps. Consigne avait pourtant été donnée, le 1er juillet, de laisser les téléphones hors de la salle qui réunissait Marine Le Pen, cheffe de file des députés Rassemblement national (RN), son conseiller Renaud Labaye, et une vingtaine de dirigeants de communautés juives d’Ile-de-France dans un bar parisien. Un tour de table inédit pour le RN, après plusieurs décennies de marginalisation en raison de l’antisémitisme de nombreux cadres, et parmi lesquels le premier d’entre eux : Jean-Marie Le Pen, l’ancien président du Front national (FN, devenu le RN).
Si le parti d’extrême droite refuse toujours de communiquer sur l’événement, un compte rendu anonyme sur les réseaux sociaux, puis une sortie des deux organisateurs (René Taïeb et Albert Myara, deux représentants de la communauté juive francilienne) dans Le Journal du dimanche, quatre jours plus tard, en ont rapidement assuré la publicité. Un « dialogue » symbolique de la quête de respectabilité menée par le parti lepéniste à l’égard des Français de confession juive. Un révélateur aussi des débats qui agitent les associations communautaires, depuis les attaques terroristes perpétrées par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, face aux gages donnés par les troupes de Marine Le Pen contre l’antisémitisme et en soutien à Israël.
Les responsables cultuels juifs interrogés se rejoignent sur un point, au moins : « Il y a eu un avant et un après 7-Octobre. » Un point de bascule dans la vulnérabilité jamais ressentie par les croyants depuis la Shoah. Une date-clé, aussi, dans l’appréhension de l’échiquier politique national. « Marqués par un sentiment rare de solitude depuis ce jour, les Français juifs ont probablement reçu avec davantage de sympathie chaque marque de soutien », résume Ariel Goldmann, le président du Fonds social juif unifié, poumon financier de la communauté en France. Dénonciation immédiate d’un « pogrom », soutien absolu ensuite du droit d’Israël à se défendre, indignation depuis face à la multiplication des actes antisémites : dans son soutien à la communauté juive, le RN n’a publiquement jamais transigé au cours des douze derniers mois.
« Parti aujourd’hui sans ambiguïté »
L’affichage en la matière n’est pas nouveau pour Marine Le Pen. Depuis son accession à la tête du FN, en 2011, la triple candidate à la présidentielle a fait de sa quête de légitimité contre l’antisémitisme l’ultime « verrou » de l’entreprise de « dédiabolisation » d’un mouvement qui, cofondé en 1972 par d’anciens collaborationnistes et des membres de la Waffen-SS, prétend désormais accéder au pouvoir. Jamais pourtant cette stratégie n’avait récolté la bienveillance d’autant de représentants ou figures de la communauté juive que depuis le 7-Octobre. Face à une gauche fustigée pour ses ambiguïtés, voire ses compromissions, le RN n’apparaît plus, pour beaucoup, comme la force politique la plus « dangereuse ».
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