« Lui dire que je lui pardonne » : abandonnée dans une boîte à chaussures, Jade aimerait retrouver sa mère biologique

Jade n’avait que quelques heures quand elle a été découverte dans une boîte à chaussures au pied d’un immeuble d’Argenteuil.

La jeune femme a 20 ans aujourd’hui et a appris beaucoup de choses sur sa mère biologique.

Elle espère la retrouver grâce à son témoignage ce dimanche soir dans le portrait de la semaine d’Audrey Crespo-Mara.

La vie de Jade ne tenait qu’à un fil lorsqu’elle a été découverte dans une boîte à chaussures, au pied d’un immeuble d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise. Vingt ans plus tard, elle raconte : « C’est ma mère biologique qui m’a déposée (…) Elle avait accouché quelques heures avant. Elle avait coupé le cordon ombilical, mais il n’était pas clampsé. J’étais nue (…) J’avais seulement un petit drap sur moi. On était au mois de novembre donc il faisait quand même très froid. J’étais en hypothermie, à 32 degrés », dit-elle dans le « Portrait de la semaine », dont le replay est visible en tête de cet article. 

La jeune femme doit finalement son salut à une passante. « Elle a vu une boule bleue, mais elle pensait que c’était simplement une poupée, donc elle n’y a pas prêté attention », précise-t-elle. Et d’ajouter : « J’aurais donné un petit coup au niveau du bras. Et c’est là qu’elle a donné un coup d’œil furtif et qu’elle s’est retournée. Elle a vu que c’était un bébé. Ce qui fait qu’elle m’a ramenée directement chez sa maman dans l’immeuble. Sa maman m’a donné les premiers soins (…) Pour que je puisse retrouver un petit peu plus de force. Au départ, elle pensait vraiment que je n’allais pas survivre ». 

J’ai été adoptée au bout de quatre mois et demi. Quand ils m’ont vue pour la première fois, ils me l’ont dit, ça a été un coup de foudre réciproque

Jade

Jade est en quelque sorte une miraculée. « C’est vrai que j’aurais très bien pu ce jour-là ne pas bouger mon bras. Ce tout petit coup m’a sauvée la vie. Et si je ne l’avais pas fait, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui », admet-elle. Confié à l’aide sociale à l’enfance, le nourrisson est rapidement adopté par un couple qui habite dans les Landes. « J’ai été adoptée au bout de quatre mois et demi. Quand ils m’ont vue pour la première fois, ils me l’ont dit, ça a été un coup de foudre réciproque. Ils savaient que c’était moi et que j’allais être leur fille, que j’allais être leur seul enfant », souligne-t-elle. Cette enfance, Jade la qualifie de « merveilleuse ». « J’ai que des bons souvenirs. J’ai eu la chance de grandir dans un super cadre, près de la mer, la campagne. J’ai vraiment eu une enfance magique. Et comme je suis une fille unique et adoptée, c’est vrai que les liens avec mes parents sont très forts. On est très fusionnels. Je sais que ça ne changera jamais », lâche-t-elle. 

Très vite, ses parents adoptifs lui racontent les circonstances de son adoption. « Ils me disent que j’ai été abandonnée par ma mère biologique, mais qu’il y avait des raisons derrière ça. Ils ne m’expliquent pas les raisons, bien sûr. Sûrement parce que je suis quand même assez petite », suppose-t-elle. Apprenant qu’elle a été laissé dans une boîte à chaussures, en plein mois de novembre, Jade a du mal à ne pas en vouloir à la femme qui l’a mise au monde. « Je ressens beaucoup de colère (…) C’est vrai qu’à l’époque je me dis que c’est quand même de l’inconscience, et que je ne peux pas avoir un autre ressentiment que de la colère et de la haine. Parce que je me dis que j’aurais pu décéder ce jour-là », avance-t-elle. Malgré tout, à 14 ans, l’adolescente va chercher à obtenir des informations sur sa mère biologique. Elle en dévoile les raisons. « Je me pose beaucoup de questions sur ma ressemblance. Quand je me prépare le matin, des fois, je me bloque devant le miroir et je me dis : ‘Mais j’ai les yeux de qui ?’, ‘Je ressemble à qui ?’ Et quand on me pose la question, je ne sais pas quoi dire », regrette-t-elle.

« Le plus grand traumatisme de ma vie »

Résultat, Jade finit par entamer des démarches. « J’ai contacté l’organisme pour l’accès aux origines personnelles qui m’a transféré vers une assistante sociale. Elle contacte mon grand-père biologique qui au départ ne répond pas, qui ignore les appels. Et un jour, il a été obligé de répondre et il a dit qu’il ne souhaitait pas me rencontrer parce que ça risquait de faire exploser la famille et de rompre un peu l’équilibre familial », détaille-t-elle. Un aveu qui fait vaciller la jeune femme. « Ça a été très dur à assimiler (…) Je me ressens en fait abandonnée une deuxième fois, donc je revis le plus grand traumatisme de ma vie », confie-t-elle. Et de préciser : « Je ne comprends pas comment ça peut rompre l’équilibre familial alors que je suis quand même sa petite fille. La fille de sa propre fille. Le problème, c’est que comme elle était sous tutelle ou curatelle, c’est lui qui avait le contrôle sur ses décisions. Ce qui fait que si lui ne souhaitait pas, elle ne pouvait pas non plus me contacter », apprend-elle. 

Jade découvre par ailleurs que sa mère biologique a été retrouvée huit mois après sa naissance, grâce au code-barre de la boîte à chaussure dans laquelle elle avait été déposée. Elle a été jugée coupable de « délaissement d’enfant » en mai 2006 par le tribunal correctionnel de Pontoise, mais a été dispensée de peine au vu de sa détresse. « J’apprends qu’elle avait 32 ans à l’époque. Qu’elle était dans une très grande précarité sociale, financière. Qu’elle avait un léger retard mental, donc qu’elle n’était pas dans la capacité de s’occuper d’un enfant. Et puis, elle a fait un déni de grossesse. Quand elle s’est aperçue qu’elle était enceinte au bout de cinq mois, elle n’avait plus le choix d’avorter ou de garder l’enfant. Elle a dû mener cette grossesse à terme », affirme-t-elle. 

Toutes ces révélations font comprendre à Jade qu’elle doit lui pardonner. « Le pardon, c’est la clé de tout », lance-t-elle. Alors armée d’un prénom et d’un nom, Jade cherche cette femme « sur les réseaux sociaux, sur internet, dans les Pages Jaunes ». Mais elle ne désespère pas de la retrouver. « Pour lui dire que je lui pardonne, que je ne lui en veux pas. Parce qu’elle doit avoir encore une culpabilité à l’heure actuelle. Parce que je pense que ce n’est pas quelque chose qui peut nous quitter aussi facilement. Donc qu’elle puisse vivre la conscience tranquille, qu’elle sache que je vais bien, que j’ai une belle vie », atteste-t-elle. Et une question la taraude. « J’aimerais lui demander si, quand elle m’a vue, elle m’a aimée », confie-t-elle, avec un secret espoir : « Si elle regarde la télé, elle aura peut-être envie d’essayer de me retrouver par ses propres moyens. J’aimerais vraiment la rencontrer. C’est ça que j’attends ce soir », conclut-elle.