La crise climatique actuelle pourrait détruire notre planète si rien n’est fait pour restaurer le sens de la solidarité et de la responsabilité internationales dans notre monde complexe. Mais les personnes et les Etats engagés dans des efforts de décarbonation supportent des sacrifices, alors que les bénéfices de ces efforts reviennent à l’humanité tout entière. La tentation est alors grande pour chaque pays de profiter des sacrifices des autres sans en faire lui-même. C’est la stratégie climatique trumpienne, qui témoigne d’une prédation désinhibée, sans considération des conséquences planétaires. Sur l’environnement, il s’agit d’une désertion pure et simple face à la guerre mondiale pour le climat. La sortie des Américains de l’accord de Paris est un puissant aiguillon pour insuffler le doute sur notre ambition climatique, singulièrement au Canada et en Europe. Ne pas réagir ou nous aligner sur les Américains nous condamnerait, nous comme le reste du monde.
Les économistes s’accordent à dire que l’outil le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est un prix, une taxe ou un prélèvement significatif sur les émissions de carbone. En remédiant à une défaillance du marché bien connue, une taxe sur le carbone envoie un signal de prix puissant qui peut orienter les agents économiques – consommateurs, producteurs et investisseurs – vers un avenir à faible émission de carbone grâce à l’innovation technologique, à la sobriété énergétique et au développement d’infrastructures vertes. Mais si tout le monde cherche à ignorer les coûts de la transition, ils retombent inéluctablement sur les citoyens. « Nous savons tous ce qu’il faut faire, mais nous ne savons pas comment nous faire réélire une fois que nous l’aurons fait », a ainsi pu résumer Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission européenne.
Eliminer les « fuites de carbone »
L’Union européenne (UE) et le Canada partagent un engagement fort en faveur de la réduction des émissions de CO2. Dans le chaos géopolitique actuel, une coalition climatique de ces deux puissances économiques rendrait leurs politiques climatiques plus crédibles, plus efficaces et plus robustes face aux attaques des gouvernements qui refusent de respecter le climat. La mise en commun de leurs marchés de permis d’émission et l’extension de leur couverture à toutes les émissions de CO2 leur permettraient d’atteindre leur objectif climatique à moindre coût. Pour favoriser l’acceptation sociale, la tarification du carbone devrait être sans incidence sur la pression fiscale : si toutes les recettes générées par cette taxe étaient redistribuées aux citoyens, cela contribuerait de manière significative à la protection des catégories à faibles revenus, tout en maintenant les incitations à la sobriété et à la décarbonation.
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