La procession funèbre serpente dans les rues de La Trinité-sur-Mer. Le corbillard, en tête, est suivi d’une grande croix, d’enfants de chœur en soutanelle et d’un bagad, avec binious et cornemuses, qui emplit l’air de ce beau et sec jour d’hiver. Le cortège d’éplorés, tout de noir vêtu, est mené par trois sœurs. Trois femmes dont le blond tire vers le blanc. Ce 11 janvier, Marie-Caroline, Yann et Marine Le Pen enterrent leur père, Jean-Marie Le Pen, mort quatre jours plus tôt.
L’homme qui a ressuscité l’extrême droite française s’apprête à reposer dans la commune qui l’a vu naître, en 1928, à l’époque où cette station balnéaire du Morbihan n’était encore qu’un modeste port de pêche. Le Pen, convaincu, jusqu’à ses 96 ans, que « l’avenir commence toujours demain », n’avait pas couché par écrit ses dernières volontés. Ses filles ont donc imaginé « à la place de papa » cette procession qui paraît surgir d’un temps révolu, celui de la culture villageoise et du catholicisme triomphant.
Quelques dizaines de curieux scrutent cette mosaïque de visages. Les caméras de télévision aussi. Le clan Le Pen a l’habitude de s’exposer. Le Rassemblement national a lui-même mandaté une équipe de vidéastes pour immortaliser la cérémonie, qui clôt le premier tome de l’histoire du parti. Le plus lourd à porter. Dans les années 1980, les trois sœurs servaient déjà de toile de fond à la communication de leur père, afin de donner une image plus douce et glamour de celui qui avait fondé le Front national en 1972 aux côtés de militants néofascistes, de nostalgiques de l’Algérie française, d’anciens collaborateurs du régime de Vichy et d’ex-Waffen SS.
Les deux gardiennes des secrets
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