Le mangaka Masashi Kishimoto a eu bien du mal à retenir son émotion sur la scène de la salle principale du Grand Rex, à Paris, dimanche 25 août, tout comme son successeur, Mikio Ikemoto, face au grondement des applaudissements et des vivats chaleureux émanant des 2 500 spectateurs. Et pour cause, le public venait rendre hommage au créateur du héros de leur enfance, mais aussi à sa création, l’un des ninjas de fiction les plus célèbres au monde et un personnage de manga parmi les favoris des Français depuis plus de vingt ans : l’espiègle Naruto. Impossible de revivre cette rencontre unique, point culminant d’un passage éclair en France : aucune photo ou vidéo des sensei (« maîtres ») n’était autorisée.
Reçus avec les égards dignes d’auteurs stars et sous la garde extrêmement rapprochée d’un aréopage d’éditeurs japonais, les deux mangakas ont effectué une visite de deux jours à Paris pour marquer la parution en France du dernier volet de la grande saga ninja lancée en 1999, Boruto. Two Blue Vortex. Une série dans laquelle le héros n’est plus le célèbre ninja blond, mais son fils, Boruto.
Si Masashi Kishimoto a eu la larme à l’œil, c’était une larme de joie. Il a très tôt eu conscience que, pour durer dans une industrie culturelle ultracompétitive, il fallait cultiver une certaine « stabilité intérieure », comme il l’expliquait au Monde lors d’un entretien plus tôt le dimanche matin, dans les prestigieux salons privés du Bon Marché, où les deux auteurs se livraient à une séance de dédicaces. Impossible pour lui de s’abandonner à l’euphorie lors des succès, ni au découragement en cas de baisse de popularité, car « il devient alors difficile de dessiner sous la pression ». « Etre dans la même arène que les grands auteurs à mes débuts fut difficile », reconnaît-il.
Il aura d’ailleurs fallu plus de trois ans de tentatives infructueuses à Kishimoto, alors jeune rural mordu de manga et d’animation, avant de parvenir à être publié dans les pages du prestigieux magazine de prépublication Weekly Shonen Jump, la même revue qui a vu naître Dragon Ball (inspiration forte pour le jeune Kishimoto) et One Piece, son compétiteur né deux ans plus tôt. L’expérience résonne directement avec son héros, un aspirant ninja en échec mis au ban de son village, qui s’escrime malgré tout à devenir le plus haut dignitaire de la cité et espère, en étant reconnu, être enfin aimé de tous. « En dessinant Naruto, j’ai compris qu’il est important de persévérer et j’en ai fait un thème [central] de mon œuvre. »
Il vous reste 76.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.