Lors d’un ultime vote à l’Assemblée nationale, le Parlement a définitivement adopté, mardi 8 avril, un texte très contesté visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte, archipel dévasté par le cyclone Chido et en proie à une forte pression migratoire. Ce texte renforce une dérogation spécifique au droit du sol qui existe à Mayotte depuis 2018.
Déjà adopté au Sénat jeudi dernier, après un accord sur la version finale entre députés et sénateurs, le texte porté par Les Républicains (LR) a passé sans difficulté le dernier vote, avec 339 voix exprimées pour, et 174 contre, fort du soutien de la coalition gouvernementale et des députés d’extrême droite.
La gauche, de son côté, est vent debout contre cette proposition, qui ne réglera rien, selon elle, à la surpopulation liée à l’immigration en provenance des Comores, et porte atteinte au principe d’égalité devant la loi. Les différents groupes ont déjà promis de saisir le Conseil constitutionnel, espérant voir le texte censuré.
« Une attaque » du droit du sol dénoncée par la gauche
Depuis la loi sur l’immigration de 2018, Mayotte se voyait déjà appliquer un régime dérogatoire du droit commun, puisque, pour accéder à la nationalité française à sa majorité, un enfant né à Mayotte doit actuellement justifier de sa naissance et de sa résidence en France, mais aussi de la régularité de la résidence de l’un de ses parents durant les trois mois précédant sa naissance. Avec ce nouveau texte, les deux parents devront résider régulièrement en France depuis au moins un an. Une exception a été aménagée pour les familles monoparentales.
« Les causes des migrations sont multiples, mais les perspectives d’accès à la nationalité française constituent un facteur indéniable d’attraction pour l’immigration irrégulière » dans l’archipel, a justifié le député LR Philippe Gosselin, auteur du texte, estimant cependant que celui-ci ne sera pas « suffisant ». Il a promis « d’élargir » le débat relatif à l’ordre et à la sécurité à Mayotte dans le cadre d’un vaste projet de loi pour « refonder » l’archipel, attendu en mai au Sénat.
Le texte permettra de « renforcer la cohésion sociale à Mayotte », a estimé la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, devant les députés. Un leurre, pour la gauche, et une « attaque fondamentale à l’identité française », selon les mots du député « insoumis » Aurélien Taché, pour qui le texte est « un cheval de Troie » visant à « rouvrir le débat sur le droit du sol au niveau national ». « Mayotte est en passe de devenir le laboratoire des idées de l’extrême droite », a aussi fustigé la députée écologiste Dominique Voynet, affirmant que le texte « présage de la fin du droit du sol en France ».
« A gauche, vous profitez du fait que Mayotte soit à terre après la pire catastrophe climatique de notre pays en vous disant qu’il est temps d’achever notre île », a déclaré Estelle Youssouffa, députée de ce département (groupe centriste LIOT), accusant par ailleurs le gouvernement Bayrou d’attendre avant de lancer les grands travaux de reconstruction.
Vers un débat plus large
« Son impact sur la vie de nos compatriotes mahorais ou sur le déferlement migratoire (…) sera minime », a, de son côté, jugé la présidente du groupe Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, estimant que « la première urgence (…) consisterait à supprimer purement et simplement le droit du sol (…) sur l’ensemble du territoire national ». Elle a également appelé le gouvernement à dévoiler sa feuille de route pour « rendre à Mayotte les moyens et la dignité qu’elle mérite ».
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Le texte a été élaboré avant le passage du cyclone Chido, qui a ravagé le 14 décembre le département le plus pauvre de France, faisant au moins 40 morts et exacerbant les maux dont souffrait déjà l’archipel, parmi lesquels une forte pauvreté, un habitat indigne, ou encore un manque de services publics.
Mais le cyclone a également ravivé la sensible question migratoire et les demandes appuyées des élus locaux. Environ 320 000 personnes s’entassent sur ce territoire d’un peu plus de 300 kilomètres carrés, parmi lesquelles près de la moitié sont des étrangers, estime l’Insee. Selon une enquête menée en 2016, environ « la moitié des étrangers » se trouvaient alors « en situation irrégulière ».
Lors de l’adoption en première lecture à l’Assemblée, le ministre de la justice, Gérald Darmanin, s’était déclaré favorable à l’ouverture d’un débat sur le droit du sol au niveau national. Des voix contraires s’étaient élevées dans le gouvernement, notamment celle de la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne.
François Bayrou avait déclaré vouloir un débat plus large, sur « qu’est-ce qu’être Français ? », dont il a confié l’organisation, le 1er avril, au Conseil économique, social et environnemental (CESE).