« Nous avons été très surpris des résultats ! » Scott Damrauer et ses collègues de l’université de Pennsylvanie ne cachent pas leur perplexité face aux conclusions de l’étude qu’ils ont publiée dans le Journal of the American Medical Association [JAMA] le 16 novembre. Ils y décrivent comment ils ont comparé près de cinquante scores de risque polygénique pour les maladies coronariennes. Et à quel point leurs prédictions sur des prédispositions génétiques se sont révélées contradictoires.
A lire l’étude, on ne peut que se demander s’il ne serait pas tout aussi indiqué de jouer aux dés pour décider de prendre ou non un traitement préventif ! Ou, comme Perry Wilson, professeur associé de santé publique à l’université Yale (Connecticut), si ces scores ne sont pas du « bullshit » (des foutaises, en français).
Ils sont pourtant censés estimer, à partir de l’analyse du génome d’un individu, sa propension à développer telle ou telle pathologie. Centrés non pas sur les maladies monogéniques – causées par un seul gène –, mais sur celles qui sont corrélées à de vastes combinaisons de mutations, ces scores sont obtenus en analysant de grandes bases de données associant le génome d’individus et leurs caractéristiques physiques, physiologiques et le détail de leurs maladies. On parle à ce sujet d’« études pangénomiques », ou, en anglais, de genome-wide association studies [GWAS].
Pour résumer la démarche, on part à la pêche dans ces données pour trouver des mutations ponctuelles dans l’ADN – parfois plusieurs milliers, qui se retrouvent plus fréquemment dans la frange de la population sondée présentant telle ou telle maladie, comportement ou aptitude. Car, selon leurs promoteurs, les GWAS pourraient aussi aider à prédire la capacité à poursuivre des études, la propension à succomber à des addictions (café compris !) ou à cerner l’âge du premier rapport sexuel.
Ces GWAS sont depuis une vingtaine d’années au cœur de la révolution annoncée de la médecine prédictive, ou personnalisée, mais aussi de projets de gestion psychosociale des individus en fonction de leur patrimoine génétique. Les résultats publiés dans le JAMA font donc l’effet d’une douche froide pour ce champ de recherche en pleine expansion : alors que, en 2007, année du décollage des GWAS, on comptait 16 articles scientifiques mentionnant ce terme, on en dénombre près de 5 000 pour l’année 2024, selon la base de données Scopus.
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