Exit le « nouveau monde ». Pressé de toutes parts de nommer enfin un premier ministre, pour mettre fin à la plus grave crise politique que la France ait connue depuis 1958, Emmanuel Macron a remis la poursuite de son quinquennat, jeudi 5 septembre, entre les mains du Républicain Michel Barnier. Non sans avoir hésité, jusqu’en fin de matinée, avec l’ancien premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. Deux incarnations de cet « ancien monde » et de ces « vieux partis » longtemps vilipendés par les macronistes.
Cherchant à éviter le risque de censure immédiate du prochain gouvernement par l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat avait testé le nom de l’ancien commissaire européen au début de l’été auprès de ses interlocuteurs. Mais ce n’est qu’après avoir éconduit Bernard Cazeneuve à gauche, Xavier Bertrand à droite et Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental, côté société civile, qu’Emmanuel Macron a sérieusement envisagé l’hypothèse Barnier. Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, ami de l’ancien ministre, l’a appelé mercredi matin. Celui-ci s’est rendu à bicyclette, en fin d’après-midi, à l’Elysée, pour un premier tête-à-tête avec le chef de l’Etat.
Le gaulliste a bénéficié, pour accéder à Matignon, de la bienveillance du Rassemblement national (RN), qui a décidé de lui laisser sa chance. Le nouveau premier ministre « semble répondre au moins au premier critère que nous avions réclamé, c’est-à-dire quelqu’un qui soit respectueux des différentes forces politiques », a réagi Marine Le Pen, après l’annonce de l’Elysée. « C’est un homme qui n’a jamais eu d’outrance dans la façon dont il a parlé du Rassemblement national, qui n’a jamais mis le RN au ban, c’est un homme de discussion », a encore souligné la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale. La plaidoirie de Michel Barnier en faveur d’un moratoire sur l’immigration, avant la présidentielle de 2022, alors qu’il lorgnait la présidence de la République, n’a pas laissé insensible Marine Le Pen, qui se réjouit de ne pas avoir, « pour une fois », « un immigrationniste dingue » à Matignon.
« La moins pire des solutions »
« Cette nomination se justifie par la stabilité d’un gouvernement suspendu à la bienveillance du RN », s’est inquiété l’ex-macroniste Sacha Houlié, qui siège désormais parmi les non-inscrits. « Marine Le Pen va tenir Barnier en joue », redoute le conseiller d’un ministre démissionnaire.
L’entourage du chef de l’Etat reconnaît que l’option Barnier a été préalablement testée auprès du RN, comme des autres forces politiques, et qu’elle ne rencontrait « pas de censure a priori » à l’Assemblée, alors que le parti à la flamme promettait une « censure automatique » pour Xavier Bertrand comme pour Bernard Cazeneuve.
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