Quelques jours après l’annonce de la fermeture des usines de Michelin de Vannes (Morbihan) et de Cholet (Maine-et-Loire), plusieurs centaines de salariés ont manifesté vendredi 8 novembre. Sur le site de Cholet où il s’était rendu « pour être au contact et en soutien des salariés qui vivent un drame humain », le ministre de l’industrie, Marc Ferracci, a été pris à partie verbalement par des employés en détresse, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP).
M. Ferracci est resté « trois minutes » devant l’usine, selon des syndicalistes, quittant les lieux peu avant 13 heures après un échange tendu. « Je regrette profondément » la décision de fermer les sites de Cholet et de Vannes « comme je regrette la manière dont elle a été annoncée aux salariés », avait dit un peu plus tôt le ministre, à la sortie d’un comité de pilotage à la sous-préfecture avec des représentants syndicaux et des élus locaux.
Plus de 1 250 emplois au total sont menacés d’ici à 2026. « Je suis content que les politiques voient enfin le vrai visage de Michelin, ils sont tombés de leurs chaises lorsqu’ils ont appris la brutalité » de cette annonce, a déclaré à une correspondante de l’AFP, Romain Denecheau, élu CFDT de l’usine Michelin de Cholet qui participait à cette réunion. Après le départ du ministre, plusieurs centaines de salariés ont défilé dans la zone industrielle de Cholet en scandant : « Cinquante ans pour nous user, cinq minutes pour nous virer », ou : « Il est beau le Bibendum, toujours le fric avant les hommes. »
Dès le début de la matinée, des pneus avaient été enflammés devant le site de Michelin, avec des banderoles ou des inscriptions sur les murs évoquant les « vies brisées » et les « années à trimer pour se faire jeter ». « Merci pour ce super Noël », ont ironisé les quelque 900 « enfants de Michelin » à Cholet, recevant de nombreux signes d’encouragement des passants.
Une commission d’enquête réclamée à l’Assemblée nationale
Le député macroniste de Cholet, Denis Masséglia, lui-même insulté vendredi par certains salariés en colère, a dit comprendre ces « personnes qui ont exprimé leurs souffrances » en s’en prenant au ministre de l’industrie. « L’Etat doit les accompagner mais Michelin doit prendre ses responsabilités », a-t-il dit. « Des engagements ont été demandés à Michelin par le gouvernement », a souligné Marc Ferracci, insistant sur « une indemnisation qui soit digne, avec des montants substantiels » et des reclassements en priorité dans le bassin d’emplois de Cholet.
« Non, Monsieur Ferracci, nous ne sommes pas ici pour nous battre pour un chèque, nous sommes ici pour nous battre pour l’emploi », a lancé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, venue dans la matinée à la rencontre des salariés sur le site de Vannes, où quelque 300 emplois sont également sur la sellette. A Vannes, les salariés ont manifesté dès 6 h 30 pour demander le maintien des emplois en France, avant de planter des croix blanches symbolisant la mort programmée de leur usine. Un rassemblement était aussi organisé à Clermont-Ferrand, où se situe le siège social.
« Nos fleurons comme Michelin n’en ont plus rien à faire de la France, puisque Michelin, sur 130 000 emplois, n’en a plus que 15 000 en France », a déploré Mme Binet, critiquant « la politique industrielle d’Emmanuel Macron [qui] s’aligne sur les intérêts de ces multinationales ». « On se prend un nouveau mur » à cause de politiques publiques qui n’ont pas su agir pour que les industriels fassent le choix des salariés plutôt que « le choix du profit », a renchéri la députée écologiste Clémentine Autain (ex-LFI).
A l’Assemblée nationale, les députés écologistes et « insoumis » ont demandé la mise en place d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics par Michelin, afin notamment de « comprendre pourquoi il est possible de combiner licenciements massifs, bénéfices d’aides publiques et versements record aux actionnaires sur une même période ». Marc Ferracci a dit que le gouvernement allait publier « dans les prochaines semaines un plan d’urgence pour la filière automobile à l’échelle française et européenne », pour « agir de manière structurelle ». Le plan comprendra des mesures de soutien à la demande et à l’investissement, et « des mesures de protection commerciale qui touchent l’ensemble de la filière ».