Entrés dans la ville de Goma dimanche 26 janvier, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et 3 000 à 4 000 soldats rwandais occupent désormais la quasi-totalité du centre et des faubourgs de la capitale provinciale du Nord-Kivu, qui compte plus d’un million d’habitants et autant de déplacés. Natalia Torrent, cheffe de mission de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) dans la province de la République démocratique du Congo, explique l’état de la situation humanitaire sur place.
Quelle est la situation humanitaire à Goma ?
Les capacités d’urgence des hôpitaux de la ville sont submergées. Il y a beaucoup de blessés parmi les civils. Il est toutefois difficile de chiffrer le nombre exact de morts et de blessés. La situation humanitaire est devenue critique à mesure que les lignes de front se sont rapprochées de Goma. Ces derniers jours, les camps de déplacés situés aux alentours de la ville se sont vidés. Les déplacés pensaient trouver refuge dans la capitale provinciale, avant que les combats ne la frappent.
Comment vos équipes travaillent-elles sur le terrain ?
Nous n’avons pas de garantie de sécurité sur le terrain. Nos équipes évitent de prendre des risques en sortant dans la rue, ce qui réduit considérablement notre accès aux populations en situation de détresse. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de son côté, traite les blessés les plus graves et réalise des interventions chirurgicales. L’hôpital de Keshero, actuellement géré par MSF, vient en aide aux équipes du CICR en ciblant les blessés plus légers, y compris par balles et éclats d’obus. Nous avons reçu, depuis le 23 janvier, plus de 90 patients. Parmi eux, nous prenons en charge les civils comme les combattants, peu importe leur camp. On reçoit tout le monde.
En raison des problèmes liés au réseau téléphonique, avoir accès aux secours est un exercice périlleux car il faut se déplacer dans la ville et s’exposer à des risques considérables. Il y a quelques jours, un collègue humanitaire nous a décrit une scène : un enfant avait reçu une balle dans la tête. En raison des coupures de courant, la famille ne pouvait pas appeler les secours. Lorsqu’ils ont croisé des combattants dans la rue, ils ont fait demi-tour et leur fils n’a pas survécu à sa blessure.
A MSF, nous étions une quarantaine à Goma avant que les combats frappent la ville. Nous sommes actuellement quinze sur le terrain. On a dû réduire nos effectifs à cause de la violence des combats.
Quel est aujourd’hui le principal risque sanitaire pour les habitants de Goma ?
Les conditions d’assainissement et de salubrité sont mauvaises, il y a un manque de nourriture. Cela fait presque une semaine que les marchés de Goma sont fermés. Il y a aussi un manque d’eau potable. Cette situation suscite des inquiétudes sanitaires, d’autant que Goma a déjà été frappée par la maladie endémique du choléra. Nous suivons donc de près l’évolution de la situation sanitaire et demandons aux belligérants des garanties d’accès aux équipes humanitaires. Nous appelons au respect des missions médicales et à un renforcement de la protection civile.