Lors de sa conférence sur les finances publiques la semaine dernière, François Bayrou a déclaré qu’une « prime pour aller porter ses chaussures chez le cordonnier » ne relevait pas de « l’urgence absolue ».
Si cette prime existe, sous forme de bonus réparation, elle n’est pourtant pas financée par l’État.
Selon le principe du pollueur-payeur, les fabricants de textile et de chaussures doivent eux-mêmes financer les réparations.
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La petite phrase est plutôt passée inaperçue, sauf chez les principaux intéressés : les cordonniers et Refashion, l’éco-organisme de la filière textile d’habillement, linge de maison et chaussures. Lors de sa conférence sur l’état des finances publiques mardi dernier, le Premier ministre François Bayrou a évoqué des « dépenses nouvelles, plus ou moins fondées« .
Et de poursuivre : « Je ne veux faire de peine à personne, mais annoncer qu’on va donner une prime pour aller porter ses chaussures chez le cordonnier, il y a de nombreux citoyens qui pensent que ce n’était peut-être pas l’urgence absolue. Tout le monde a le sentiment qu’on a annoncé beaucoup de dépenses sans tenir compte de la situation du pays. »
Les fabricants financent l’allongement de la durée de vie des produits
Pourtant, s’il existe bel et bien un bonus réparation pour les chaussures et le textile… il n’est pas financé par l’État. « Il est financé par les metteurs en marché – marques, distributeurs et fabricants – via une éco-contribution versée à l’éco-organisme« , a ainsi rappelé Refashion sur ses réseaux sociaux après la prise de parole du Premier ministre.
Depuis la loi AGEC (anti-gaspillage pour l’économie circulaire) de février 2020, les fabricants doivent en effet financer l’allongement de la durée de vie, selon le principe du pollueur-payeur, inscrit dans la Charte de l’environnement qui a valeur constitutionnelle.
Le même dispositif existe aussi pour l’électroménager. « Peut-être une petite révision du sujet avec son prédécesseur qui a créé les lois du pollueur-payeur dans les années 90 aurait été la bienvenue« , a réagi sur LinkedIn Elsa Chassagnette, responsable du Fonds Réparation chez Refashion, en référence à la loi Barnier qui a inscrit pour la première fois ce principe dans la législation française.
Il ne s’agit pas d’argent public détourné mais d’une contribution juste et nécessaire des acteurs économiques responsables.
Il ne s’agit pas d’argent public détourné mais d’une contribution juste et nécessaire des acteurs économiques responsables.
Jean-Pierre Verneau, président de la Fédération française de la cordonnerie
Les propos de François Bayrou ont également heurté la Fédération française de la cordonnerie multiservice. « Je tiens à rappeler l’importance de ce dispositif pour notre environnement, notre économie et nos artisans« , a réagi son président Jean-Pierre Verneau dans une lettre ouverte (nouvelle fenêtre) adressée au Premier ministre.
« Il ne s’agit pas d’argent public détourné mais d’une contribution juste et nécessaire des acteurs économiques responsables visant à réduire notre empreinte carbone et à promouvoir une économie circulaire« , rappelle-t-il encore.
Déjà un million de réparations
Le concept de ce bonus est simple : le consommateur choisit parmi une liste de réparateurs labellisés (ici (nouvelle fenêtre) pour le bonus réparation chaussures et textile ; ici (nouvelle fenêtre) pour le bonus réparation électroménager) et bénéficie d’une ristourne déduite directement lors de la réparation (7 euros de remise pour un trou, accroc ou déchirure dans un vêtement ou 25 euros pour ressemeler des chaussures en cuir).
Selon des chiffres dévoilés par TF1 en décembre dernier un an après son lancement, le bonus réparation pour les vêtements et chaussures a permis aux Français d’économiser 6,8 millions d’euros, avec un million de réparations financées par ce dispositif. Selon les chiffres de Refashion, 1530 réparateurs sont labellisés en France.
Le bonus réparation électroménager, qui permet de faire réparer lave-linge, cafetières et smartphones entre autres, a lui aussi connu une forte progression en 2024, avec un nombre de réparations qui a presque quadruplé l’an dernier : quelque 715.227 réparations d’appareils ont bénéficié d’un accompagnement financier du bonus réparation, contre 181.000 en 2023, selon les données des éco-organismes Ecosystem et Ecologic, communiquées par le Gifam, syndicat professionnel qui représente les marques de petit et gros électroménager.