LA LISTE DE LA MATINALE
Une population bigarrée se presse dans la sélection du « Monde des livres » : un phoque, You, qui est au centre d’un essai enthousiasmant de l’anthropologue Fabien Clouette ; les malfrats et les marginaux du premier roman de l’Irlandais Colin Barrett ; les personnages du nouveau roman de Delphine Grouès, hantés, sous le blizzard qui balaie la Patagonie, par la mémoire des violences politiques ; une jeune femme tourmentée par l’absence, héroïne du premier roman de l’Anglaise Siân Hughes ; enfin, des tueurs et quelques justiciers dans le nouveau thriller, en deux tomes, de Jean-Christophe Grangé, Sans soleil, situé au début des années sida.
ESSAI. « Des vies océaniques », de Fabien Clouette
Tout est singulier chez You, jusqu’à son nom, né d’une blague des surfeurs qui avaient l’habitude de croiser ce tout jeune phoque gris sur une plage de Gironde, se reposant sur leurs planches, se collant sur le dos des plongeurs : ils en avaient fait le « Phoque You », et c’est sous ce sobriquet que le phocidé est devenu célèbre.
You est l’un des protagonistes du premier essai de l’anthropologue Fabien Clouette, l’enthousiasmant Des vies océaniques, au côté d’autres mammifères marins qui se comportent « autrement que ce que l’on sait d’eux ». Ainsi You, à mesure qu’il grandit, devient-il un peu encombrant. Quand il mordille en jouant, il blesse. Quand il fonce sur un surfeur, il le terrifie.
On décide de l’isoler dans un bassin, avant de l’envoyer rejoindre les colonies de phoques. Il s’agit de le rendre à sa « phocité ». Il est vrai que, relâché, il se mêle à ses congénères et paraît vivre comme eux. Mais bientôt on le voit rechercher la proximité des humains, se coller au dos des plongeurs… You est You. On ne peut le guérir de lui-même. Et l’on en revient au point de départ : le caractère de cet individu particulier.
C’est le point nodal du livre, la question vers laquelle convergent toutes les histoires qu’il retrace. Rien ne dit « que tous les phoques [n’ont pas] cette capacité, que tous les animaux [ne sont pas] des “animaux singuliers” ». Encore devons-nous nous rendre disponibles à ces rencontres nouvelles. C’est ce que Fabien Clouette met en lumière : l’apparition d’une sensibilité, non seulement à la vie animale, mais aux individus animaux. Ceux-ci ne se contentent plus d’incarner leur espèce. Ils sont là, devant nous, et nos représentations en sont bouleversées. Fl. Go.
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