FRANCE 5 – DIMANCHE 21 AVRIL À 21 H 05 – DOCUMENTAIRE
Alors que l’Iran et Israël semblent se lancer dans un conflit ouvert, le régime de Téhéran se raidit aussi à l’intérieur, où il mène depuis mi-avril une vague de répression très féroce contre les femmes non ou mal voilées dans les rues. L’indispensable documentaire de Solène Chalvon-Fioriti, Nous, jeunesse(s) d’Iran, ouvre une fenêtre inédite à ce qui se passe, sur et sous la surface, en Iran depuis les manifestations qui ont suivi le décès en garde à vue de la jeune Mahsa (Jina) Amini pour un voile « mal ajusté », en septembre 2022.
La journaliste n’ayant pas eu le droit de se rendre dans le pays, elle a demandé à une jeune étudiante, Sarah (un pseudonyme), de filmer sa vie quotidienne et de lui envoyer des notes vocales, comme un carnet de bord. Le visage de l’Iranienne et ceux d’autres témoins dans le documentaire n’ont pas été masqués, mais modifiés à l’aide de l’intelligence artificielle, pour assurer leur sécurité, ce qui confère au film une vraie douceur.
La journée, Sarah nous fait pénétrer dans son établissement universitaire, où elle et ses camarades, portés par le soulèvement « Femme, vie, liberté », font repousser les lignes rouges. Ils et elles cassent les cloisons séparant la cantine des hommes de celle des femmes, écrivent des slogans sur les murs. Les femmes continuent à ne pas se couvrir les cheveux malgré les intimidations de leurs enseignants.
La nuit, Sarah manifeste. Elle nous montre les visages des adolescents tués dans les manifestations, accrochés sur les murs de la ville. Avec force et douceur, la jeune femme nous fait vivre son espoir, son courage, renforcé par le fait d’être accompagnée d’autres gens ; mais aussi sa grande tristesse face à la terreur et à la brutalité du régime iranien.
Solène Chalvon-Fioriti n’a pas choisi la simplicité. Elle aurait pu se contenter de nous raconter les Iraniens qui s’opposent à leur régime, mais comme elle le dit, la jeunesse iranienne, massive et éduquée, est plurielle et ne ressemble pas toujours à Sarah.
Connectées à Internet
Dans le Kurdistan d’Irak, un voisin de l’Iran, on rencontre des Iraniennes de la minorité ethnique kurde discriminée par Téhéran, qui apprennent à manier des armes. D’autres jeunes, issus d’une « génération religieuse », adhèrent à l’idéologie de la République islamique mais évoluent aussi. Telle cette femme divorcée (alors que le divorce constitue encore dans beaucoup de familles un tabou) qui, malgré sa proximité avec le discours officiel, s’inquiète pour l’avenir de son fils. Elle reconnaît même que le régime peut être renversé !
Au sein d’une autre famille, les femmes sont interviewées dans leur domicile à côté de portraits du fondateur de la République islamique, Ruhollah Khomeyni, et de l’actuel guide suprême, Ali Khamenei. Or, les filles, comme la grande majorité des Iraniens, sont connectées à Internet et voient comment les jeunes d’ailleurs vivent, loin des contraintes qui leur sont imposées. Elles sont donc différentes de leurs mères.
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En Iran, il est impossible de comprendre la réalité de la société, mais aussi les raisons de la pérennité du régime, si l’on reste aveugle aux nuances. Le documentaire de Solène Chalvon-Fioriti est un exemple réussi de la manière dont il faut raconter ces nuances.
Nous, jeunesse(s) d’Iran. Voyage interdit au sein de la génération Z iranienne, de Solène Chalvon-Fioriti (Fr., 2024, 70 min).