La proposition de loi n° 385 déposée au Sénat et qui vise à inscrire dans le code de la santé publique les « centres experts en santé mentale », pilotés par la Fondation FondaMental, suscite une profonde inquiétude parmi les professionnels et les usagers de la psychiatrie. Sous couvert d’innovation scientifique, ce texte entérine un choix politique : substituer à une psychiatrie publique déjà fragilisée un modèle sélectif, orienté par pathologie, incapable de répondre aux besoins immenses auxquels la société est confrontée, mais tout à fait conforme à l’idée de rationalisation des coûts, ce qui fait, n’en doutons pas, son succès politique.
Depuis la création de ces structures en 2007, 54 centres ont été mis en place et sont consacrés aux troubles bipolaires, à la schizophrénie, à la dépression résistante et à l’autisme adulte. Ils fonctionnent comme des dispositifs de troisième niveau : ils effectuent des diagnostics, prescrivent des recommandations, mais ne soignent pas. Leur promotion politique s’appuie sur des chiffres spectaculaires : une prétendue réduction de 50 % des hospitalisations après un passage en centre expert, promettant jusqu’à 18 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance-maladie.
Or, ces chiffres proviennent d’une seule étude non contrôlée, dont les auteurs eux-mêmes reconnaissent qu’elle ne peut démontrer un effet direct des centres experts. De plus, concernant la schizophrénie ou la dépression résistante, il n’existe aucune donnée ni aucune étude pour avancer la promesse de ces résultats d’économie.
Effondrement du secteur
La fragilité scientifique de ces travaux est régulièrement soulignée, comme l’expliquait un article de Stéphane Foucart dans Le Monde du 3 juin 2025. De plus, Alain Milon [élu Les Républicains du Vaucluse], l’un des sénateurs à l’origine de la proposition de loi, a été administrateur de la Fondation FondaMental entre 2011 et 2015. Cela n’empêche pas les promoteurs d’en faire le fondement d’une réforme, élaborée sans concertation avec les praticiens du terrain, ni les syndicats. On cherche ainsi à transformer une décision gestionnaire en choix scientifique éclairé, au prix d’une confusion entre recherche et politique sanitaire.
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