Nous, restaurateurs, avons choisi le métier de restaurateur par amour pour la gastronomie, par passion pour les produits, mais surtout parce que nous voulons nourrir, « restaurer » nos clients. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est que nous sommes estomaqués par l’aveuglement de nos politiques et par les liens, devenus trop évidents, de ces derniers avec l’agro-industrie. En tant qu’artisans, nous avons à cœur de valoriser un travail manuel, ancré dans notre territoire et notre environnement. Et cet environnement, nous le voyons se dégrader.
Aujourd’hui, nous sommes inquiets. Inquiets de l’avenir de notre alimentation qui subit de plein fouet la crise climatique et la perte de la biodiversité. Inquiets de la hausse effrayante des cancers. Inquiets de la qualité des produits que nous servons, qui ne semble que se détériorer, ces derniers contenant toujours plus de résidus de pesticides. Même l’eau que nous apportons à table, qu’elle soit minérale ou du robinet, est touchée par ce problème. Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner.
En tant que partenaires directs, nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent les producteurs français au quotidien. Beaucoup sont enfermés dans un système à bout de souffle, qui leur demande de produire toujours plus et à bas prix. Ils sont tiraillés entre la nécessité de rentabilité et les demandes citoyennes croissantes à sortir du productivisme.
Une insulte à tous
Mais la loi Duplomb, adoptée le 8 juillet par le Parlement, ne vient résoudre aucune de ces problématiques. Au contraire, elle ferme les yeux sur les vraies difficultés, à savoir la rémunération des producteurs, le libre-échange et la mise en concurrence des denrées alimentaires. Elle les enferme dans un système intrinsèquement délétère en continuant de promouvoir des modes de production inaptes à répondre aux enjeux vitaux de notre temps.
Près de 70 % des terres sont aujourd’hui dégradées en Europe [selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture en date de 2021]. Notre système alimentaire coûte 19 milliards par an à la France en externalités négatives [selon l’étude collective « L’injuste prix de notre alimentation » publiée en 2024]. La loi dite « Duplomb » est une insulte aux scientifiques, une insulte aux agriculteurs qui se passent des pesticides tous les jours, une insulte à la santé de tous, mais aussi une insulte à notre métier.
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