Face à l’impasse des négociations sur le nucléaire iranien, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont mis, jeudi 28 août, leur menace à exécution en entamant à l’ONU la procédure de rétablissement des sanctions internationales contre Téhéran, selon une lettre au Conseil de sécurité consultée par l’Agence France-Presse (AFP).
Les trois pays, surnommés « E3 », « souhaitent notifier le Conseil de sécurité que, sur la base de preuves factuelles, le E3 estime que l’Iran est en position de non-respect important de ses engagements » en vertu de l’accord sur le nucléaire de 2015, le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action), et « invoquent ainsi le mécanisme connu sous le nom du “snapback” », qui ouvre un processus de trente jours permettant de réimposer des sanctions suspendues il y a dix ans.
Signé par le E3, l’Iran, les Etats-Unis, la Chine et la Russie, le JCPoA suspendait diverses sanctions économiques internationales prises par l’ONU contre l’Iran.
Le gouvernement iranien, qui avait lancé un programme nucléaire secret, est accusé de vouloir se doter de l’arme atomique, ce qu’il réfute. L’accord avait été dénoncé en 2018 par les Etats-Unis, qui ont rétabli leur propre volet de sanctions.
« Préoccupations concernant le stock d’uranium hautement enrichi »
Le E3 menaçait de rétablir les sanctions avant l’expiration du mécanisme du « snapback » le 18 octobre faute de solution négociée. Ils espèrent pousser l’Iran à des concessions alors que la diplomatie est au point mort, quelques semaines après une campagne de bombardements israéliens et américains contre les sites du programme iranien. Les négociations américano-iraniennes sont ensablées, la coopération de Téhéran avec l’AIEA, chargée de surveiller son programme, est restreinte, et les discussions entre l’Iran et les Européens n’ont pas abouti.
« En juillet 2025, le E3 a mis sur la table une offre d’extension de la résolution » 2231 de l’ONU régissant le JCPoA « et de son mécanisme de “snapback”. Les exigences fixées par le E3 en contrepartie de cette extension, à savoir notamment la reprise des négociations, le respect par l’Iran de ses obligations à l’égard de l’AIEA et des mesures pour répondre à nos préoccupations concernant le stock d’uranium hautement enrichi, n’ont pas encore été remplies de manière satisfaisante », écrivent les trois ministres des affaires étrangères de l’E3 – Jean-Noël Barrot pour la France, David Lammy pour le Royaume-Uni et Johann Wadephul pour l’Allemagne.
Le non-respect par l’Iran du JCPoA « est manifeste et délibéré, et des sites présent[ent] un risque majeur de prolifération en Iran sont en dehors de la surveillance de l’AIEA », disent-ils, affirmant que les Européens ont fait « tous les efforts possibles pour sortir de l’impasse ».
Les Etats-Unis ouverts à des discussions « directes » avec l’Iran
« L’escalade nucléaire de l’Iran ne doit pas aller plus loin », a affirmé Jean-Noël Barrot sur X. Toutefois, « cette mesure ne signe pas la fin de la diplomatie : nous sommes déterminés à mettre à profit la période de trente jours qui s’ouvre pour dialoguer avec l’Iran », a-t-il complété.
« Le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi, a déclaré que l’Iran répondrait de manière appropriée à cette action illégale et injustifiée », a réagi son ministère dans un communiqué, publié à l’issue d’un appel téléphonique entre Abbas Araghtchi et ses homologues français, allemand, et britannique. Téhéran a également assuré que cette décision « compromettra gravement le processus d’interaction et de coopération en cours entre l’Iran et [l’AIEA] », selon un communiqué de la diplomatie iranienne.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a de son côté déclaré que les Etats-Unis étaient ouverts à des discussions « directes » avec Téhéran, « afin de trouver une solution pacifique et durable à la question du nucléaire iranien ».
« L’Iran continue à ignorer la communauté internationale et à violer ses engagements, encore et encore. Israël a déjà exposé ses inquiétudes concernant les intentions malveillantes des ayatollahs. Maintenant, les pays du monde se joignent à ce combat contre l’axe du mal », a pour sa part salué l’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon.
Cette décision « n’a absolument aucune base juridique, parce que [les Européens] n’appliquaient pas en toute bonne foi la résolution 2231 », a estimé quant à lui l’ambassadeur russe adjoint à l’ONU, Dmitry Polyanskiy, dénonçant un « chantage ».