« Réarmement », « endettement », « effort ». Ces mots claquent au moment où le cliquetis des armes résonne en Ukraine, menaçant la sécurité de l’Europe, et donc de la France. Trois fois celle-ci s’est réarmée au XXe siècle : avant 1914, avant 1939 et au début de la guerre froide. Une comparaison est utile pour distinguer ce qui est neuf et ce qui ne l’est pas.
On a tort aujourd’hui d’évoquer une « économie de guerre ». Celle-ci implique une mobilisation totale des ressources humaines, financières, industrielles au service d’un conflit en cours. Les dépenses militaires représentent entre 15 et 25 % du PIB en 1914-1918 et 35 % en 1939-1945. Avec un ratio actuel de 2 % qui pourrait passer à 3,5 % en 2030, nous en sommes loin.
Il vaudrait mieux parler d’« économie de réarmement » qui, en temps de paix, opère une mobilisation partielle des ressources, en vue de fabriquer des armes en suffisance pour un début éventuel d’hostilités. En se voulant dissuasif, ce réarmement vise d’ailleurs plus la paix que la guerre – si vis pacem, para bellum. Le ratio n’est « que » de 4,2 % en 1913, 8,6 % en 1938 et 9 % en 1953. Le taux envisagé actuellement de 3,5 % fait encore pâle figure.
En France, les hausses brusques de dépenses militaires ont été financées essentiellement par l’emprunt, l’objectif étant de recourir le moins possible à l’effort des contribuables. Et emprunter, c’est s’endetter : le réarmement de 1905-1914, puis la Grande Guerre, portent la dette française à près de 200 % du PIB en 1920.
Gérer les tensions sociales
Ensuite, ce taux décline (100 % en 1929), pour rebondir lorsque la crise mondiale creuse les déficits budgétaires : en 1936, le ratio atteint 110 %. Cette année-là, le Front populaire, face au danger hitlérien, relance le réarmement de la France à un moment où les finances publiques sont délabrées. La concordance avec l’actualité est parfaite : mêmes difficultés financières en 2025, même taux d’endettement – 112 %, très loin du critère du traité de Maastricht de 60 % –, même nécessité de réarmer face aux menaces extérieures.
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