La relation franco-algérienne se trouve à nouveau aspirée dans la spirale d’un antagonisme sans frein. Paris a décidé, mardi 15 avril, d’expulser 12 agents diplomatiques algériens en réponse à une mesure équivalente annoncée deux jours plus tôt par Alger à l’encontre de 12 employés de l’ambassade de France et devenue effective à l’expiration d’un délai de quarante-huit heures. « Les autorités algériennes prennent la responsabilité d’une dégradation brutale de nos relations bilatérales », a commenté un communiqué de l’Elsyée qui précise qu’Emmanuel Macron a également pris la décision de « rappeler pour consultations l’ambassadeur de France à Alger, M. Stéphane Romatet ».
Cette nouvelle secousse dans la relation bilatérale met un terme à une accalmie qui n’aura duré qu’une petite semaine, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ayant réalisé une visite d’« apaisement » à Alger le 6 avril. Un tel chassé-croisé d’expulsions à cette échelle est sans précédent depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Dans les annales diplomatiques françaises, il faut se reporter aux tourments entre Paris et Moscou – notamment en mai 2022 dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine – pour trouver des niveaux d’expulsions plus élevés. L’escalade en cours entre la France et l’Algérie ne concerne toutefois pas à proprement parler un scandale d’espionnage, en tout cas pas dans les justifications officielles avancées dans les capitales. La décision d’Alger est présentée comme une « réponse ferme » sur « la base de la réciprocité » à l’arrestation, le 8 avril, d’un agent du consulat algérien de Créteil. A la suite de sa garde à vue, ce dernier a été mis en examen et placé en détention provisoire, le 12 avril, dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement et la séquestration d’Amir Boukhors, un influenceur de l’opposition algérienne en France.
« Si l’Algérie fait le choix de l’escalade, nous répondrons avec la plus grande fermeté », avait averti, mardi sur France 2, Jean-Noël Barrot, annonçant que la France n’aura « d’autre choix que de prendre des mesures similaires ». Quelques heures plus tard, alors que l’Algérie maintenait sa décision à l’expiration du délai, le pas était franchi : c’est désormais au tour de Paris de demander à 12 agents diplomatiques algériens de quitter le territoire français.
Bruno Retailleau ciblé
Annihilant au passage les fragiles acquis de l’apaisement permis par la visite de M. Barrot à Alger, qui avait fait baisser la pression après huit mois de crise – déclenchée à l’été 2024 par le geste d’Emmanuel Macron reconnaissant la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental – ce regain de tension s’opère sous le signe du paradoxe. Car le régime algérien déclenche cette nouvelle épreuve de force en prétendant cibler uniquement le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, présenté comme le chef d’orchestre d’une campagne hostile à l’Algérie, une manière en creux de ménager MM. Macron et Barrot, les deux artisans de l’éphémère détente du côté français.
Il n’est pas anodin que les douze agents diplomatiques français expulsés relèvent tous de la Place Beauvau. « Le signal est transparent, c’est Retailleau qui est visé », commente une source diplomatique française. Cité lundi par l’agence officielle Algérie Presse Service, le communiqué du ministère des affaires étrangères algérien confirmant la « décision souveraine » d’expulser les agents français s’en prend d’ailleurs exclusivement à M. Retailleau, qualifié de « ministre qui excelle dans les barbouzeries ». Le communiqué fait porter à ce dernier la responsabilité de l’arrestation de l’agent algérien « [traité] de façon honteuse et indigne, tel un voleur ». « Bruno Retailleau n’a rien à voir avec cette affaire judiciaire » avait précisé M. Barrot sur France 2.
La tactique d’Alger visant à singulariser le ministère de l’intérieur n’a toutefois guère de chance de passer à Paris, où l’expulsion des agents français est perçue comme une mise en cause de l’Etat français, ainsi que l’illustre l’annonce de la réplique par la voix de M. Macron lui-même.