Le Quai d’Orsay a vivement démenti, dimanche 18 mai en fin d’après-midi, les accusations portées par le fondateur et PDG de Telegram, Pavel Durov, qui avait, un peu plus tôt dans la journée, accusé la France d’avoir cherché à « réduire des voix conservatrices au silence » en Roumanie « en amont de l’élection présidentielle d’aujourd’hui ». Selon de multiples témoignages en ligne, le message de M. Durov, traduit en roumain, a également été envoyé directement à des utilisateurs de Telegram dans le pays.
« On ne combat pas les “ingérences électorales” en faisant de l’ingérence électorale », écrivait M. Durov dans un message qui ne cite pas nommément la France mais utilise l’émoji baguette de pain pour qualifier « un gouvernement européen » qui lui aurait demandé de censurer des contenus, ce que M. Durov dit avoir refusé. Dans un nouveau message publié en début de soirée, M. Durov a affirmé avoir rencontré, « au printemps », le directeur de la DGSE, Nicolas Lerner, à l’hôtel Crillon où il résidait. Il assure que M. Lerner lui aurait « demandé de bannir des voix conservatrices en Roumanie avant les élections ». M. Durov n’explique pas pourquoi avoir attendu la dernière ligne droite du deuxième tour de l’élection présidentielle pour émettre ces accusations. Sollicité, Telegram n’avait pas donné suite à l’heure de publication de cet article.
Les allégations de M. Durov sont « totalement infondées », écrit le Quai d’Orsay dans un communiqué publié en fin d’après-midi, qui contient une capture d’écran des messages de M. Durov barrée d’une icône « faux ». Les accusations diffusées par M. Durov « ne sont qu’une manœuvre de diversion face aux réelles menaces d’ingérences qui visent la Roumanie », écrit la diplomatie française : « La France appelle tous les acteurs politiques roumains à la responsabilité et la défense de la démocratie. »
Premier tour annulé en décembre
« Nous voyons, de nouveau, les traces de l’ingérence russe, a écrit, en fin d’après-midi, le porte-parole du ministère des affaires étrangères roumain sur le réseau social X. Une campagne virale de fausses informations sur Telegram et d’autres plateformes cherche à influer sur le processus électoral en cours. C’était attendu et les autorités ont démenti les fausses informations. » Plus tôt dans la journée, le gouvernement roumain avait dénoncé une vidéo diffusée sur TikTok affirmant que des gendarmes français patrouillaient, sous uniforme roumain, dans le pays – suggérant qu’un coup d’Etat était en cours.
Le premier tour de l’élection présidentielle roumaine avait été annulé, en décembre 2024, par la Cour suprême du pays, après des soupçons de graves tentatives de manipulation de l’opinion publique. Le candidat arrivé en tête, l’ultraconservateur complotiste prorusse Calin Georgescu, avait bénéficié d’une gigantesque campagne en sa faveur sur les réseaux sociaux, faisant intervenir de très nombreux faux comptes et des influenceurs rémunérés, selon les services de renseignement roumains et européens.
Calin Georgescu s’est vu interdit de se représenter – entre-temps, des perquisitions chez son entourage proche ont également mis au jour d’importantes sommes d’argent liquide et d’armes. C’est un autre candidat d’extrême droite, George Simion, qui est arrivé en tête du premier tour, le 18 mai.
Contrôle judiciaire
Pavel Durov a quitté la France pour Dubaï, où se situe le siège juridique de Telegram, à la mi-mars. Jusque-là, il était interdit de sortie du territoire français : à la fin d’août, il avait été mis en examen de plusieurs chefs d’accusation liés au manque de coopération de sa plateforme avec la justice et à son manque de modération des contenus illégaux.
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M. Durov, qui a la nationalité française, conteste les accusations, mais, selon de multiples services d’enquête en Europe, Telegram coopère désormais rapidement avec les réquisitions judiciaires. A la fin de 2024, il avait également annoncé un durcissement de la modération sur sa plateforme.
Trois heures après sa publication sur Telegram, le message de M. Durov accusant la France d’ingérence avait recueilli plus de 56 000 réactions – son compte est suivi par plus de 11 millions de personnes sur l’application. George Simion, qui accuse ses adversaires de chercher à truquer l’élection, l’a traduit en roumain et rediffusé sur ses comptes sur les réseaux sociaux ; plusieurs comptes très influents de l’extrême droite anglophone l’ont également rediffusé, dont Elon Musk, qui a répondu au texte de M. Durov par un bref message d’encouragement.