A trois mois de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris (26 juillet-11 août), la natation chinoise se retrouve au centre de révélations. Vingt-trois des meilleurs nageurs et nageuses chinois, dont plusieurs ont été sacrés champions olympiques à Tokyo à l’été 2021, ont été testés positifs à la trimétazidine, début 2021, lors d’une compétition disputée à Shijiazhuang, en Chine, et n’ont pas été sanctionnés, ont révélé la télévision publique allemande ARD et le New York Times, samedi 20 avril.
Cette substance, interdite depuis 2014 au motif qu’elle améliore la circulation sanguine, avait été retrouvée dans des analyses effectuées fin 2021 sur la patineuse russe Kamila Valieva, suspendue quatre ans à compter du 25 décembre 2021.
Parmi les noms révélés dans l’enquête figure celui de Zhang Yufei, quadruple médaillée à Tokyo. Wang Shun, champion olympique à Tokyo du 200 m 4 nages, fait également partie des nageurs chinois contrôlés positifs début 2021, ainsi que Yang Junxuan, championne olympique du relais 4 × 200 m nage libre et médaillée d’argent en relais mixte avec Zhang Yufei.
Une enquête avait été effectuée par le ministère chinois de la sécurité publique, puis un rapport a été rédigé par l’Agence chinoise antidopage (Chinada) et remis en mars 2021, concluant à une contamination alimentaire. Aucune suspension provisoire n’a été prononcée entre les contrôles positifs et la remise du rapport.
De son côté, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a donné des explications, samedi, sur la façon dont elle a procédé. En raison des restrictions à l’époque liées à la pandémie de Covid-19, ses enquêteurs n’ont pas pu se rendre sur place. Des experts indépendants ont toutefois été consultés pour tester l’hypothèse de la contamination avancée par la Chinada. L’AMA a conclu qu’elle « n’était pas en mesure de réfuter la possibilité d’une contamination comme source de la trimétazidine ». Aucune négligence ou faute n’ayant été retenue contre les sportifs, l’AMA a estimé qu’un appel n’était pas justifié.
Pékin dément
Face aux révélations, la Chine se défend : « Ces informations sont fallacieuses et ne sont pas factuelles », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, Wang Wenbin, lundi 22 avril, rappelant que le centre antidopage chinois avait mené une « enquête approfondie et détaillée » et avait conclu que « les athlètes concernés avaient consommé des médicaments contaminés à leur insu ».
M. Wang s’est aussi appuyé sur les prises de position de l’AMA, affirmant que l’instance internationale avait « confirmé » les conclusions de la Chinada portant sur une contamination alimentaire. Reprenant la ligne de l’AMA, la fédération internationale de natation, World Aquatics, a expliqué lundi avoir « soigneusement examiné » les résultats positifs et avoir aussi sollicité des experts indépendants. « World Aquatics est convaincue » que ces analyses « ont été traitées avec diligence et professionnalisme, et conformément à tous les règlements antidopage applicables », a assuré l’instance à l’Agence France-Presse (AFP).
Ce n’est pas l’avis de Travis Tygart, directeur de l’Agence américaine antidopage (Usada), Travis Tygart, qui a accusé l’AMA et l’instance antidopage chinoise d’avoir « jusqu’ici mis ces cas positifs sous le tapis », en dénonçant des « défaillances flagrantes ». Ces accusations sont « motivées politiquement » pour « affaiblir le travail de l’AMA », a rétorqué l’agence sise à Montréal, rappelant qu’elle avait accepté par le passé des conclusions similaires de l’Usada pour des cas de contamination de sportifs américains.
« Incompréhension »
Rémi Keller, président de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte antidopage (AFLD), considère que le comportement de l’AMA suscite « l’incompréhension » et que ces révélations « suscitent beaucoup d’inquiétude », dans un communiqué transmis lundi à l’AFP. Selon lui « le raisonnement de l’AMA est contraire au code mondial antidopage, qui prévoit que c’est au sportif contrôlé positif qu’il revient de démontrer son absence de responsabilité ».
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Par le passé, plusieurs scandales de dopage ont touché la natation chinoise. Aux Jeux asiatiques en 1994, sept nageurs chinois ont été contrôlés positifs aux stéroïdes. En 1998, la nageuse Yuan Yuan a été bannie après que les douanes australiennes ont découvert de larges réserves d’hormone de croissance dans ses bagages lors des Mondiaux à Perth.
Star de la natation, le triple champion olympique et onze fois champion du monde Sun Yang est suspendu depuis février 2020 pour quatre ans et trois mois après avoir détruit au marteau un échantillon de son sang prélevé lors d’un contrôle antidopage inopiné à son domicile en septembre 2018.