L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Imaginez un visage comme un rideau, derrière lequel le personnage pourrait cacher tout un monde, voire inviter le spectateur afin de lui confier ses secrets. Ce tour de magie, Jérémy Clapin nous le fait découvrir dès l’ouverture prodigieuse de son second long-métrage, Pendant ce temps sur Terre. Quatre minutes qui plantent le décor d’une histoire de deuil à couper le souffle, mêlant prises de vues réelles et animation.
Le film commence par une discussion en voix off, sur fond de navette spatiale. Elsa, la vingtaine, parle avec son frère adoré, Franck, astronaute, qui vient de partir en mission et lui manque déjà. Puis le vaisseau s’éclipse et nous laisse découvrir la jeune femme (Megan Northam), dont la blondeur éclaire la nuit. Elle est seule, un spray de peinture à la main, et se met à taguer la lettre F, comme Franck, sur la statue érigée en hommage à son frère, dans sa combinaison. Car celui-ci a été porté disparu. Voir son frangin ainsi fondu dans le bronze lui fend le cœur… C’est à ce moment-là qu’un chant choral perce le silence et fait chavirer le décor.
Nous voici dans le dessin animé, sur une planète déserte, que parcourent deux astronautes inséparables. Le frère et la sœur, présume-t-on, semblent flotter, libres de leurs mouvements, puis la caméra se fige sur Elsa en héroïne graphique : une ligne blanche, verticale, sépare son visage en deux, lequel, soudain, s’efface comme deux pans de rideau qui s’écartent. Et nous ramènent au réel. Sans transition, le spectateur découvre le couloir d’un Ehpad avec ses pensionnaires âgés, où travaille Elsa. Après une telle performance, nous sommes prêts à suivre l’héroïne dans les dédales de la science-fiction ou de ses rêves intérieurs…
Pacte faustien
Dans le réel, Elsa accompagne des personnes en fin de vie, dans un établissement dirigé par sa mère. Elle fait leur toilette, les aide à manger, tout en les dessinant dans son carnet. Ce n’est pas le métier dont elle rêvait, mais elle l’exerce provisoirement, en attendant peut-être un jour de se remettre à la BD. Face au désarroi de sa fille, le père (Sam Louwyck) est un magnifique bloc de tendresse meurtri. Mais les jours se suivent et se ressemblent pour Elsa : mortifères. Allers-retours en voiture de la maison au travail, puis, le soir, rêveries près de l’antenne-relais sur la colline, où elle observe les étoiles.
Une nuit, elle entend quelqu’un qui l’appelle. C’est son frère Franck, elle en est certaine, il semble vivant, retenu quelque part, puis le signal se brouille. Une autre voix (celle de Dimitri Doré) la prie de bien vouloir se connecter – avec une sorte de boule gluante, surgie d’une plante, qu’Elsa niche dans son oreille – et de suivre les instructions.
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