Les ventes aux enchères restent un bon baromètre de la santé de la philatélie. Leur nombre et leur qualité a de quoi rassurer.
Les prochaines sessions feront-elles aussi bien que ce 1 cent bleu à l’effigie de Benjamin Franklin émis en 1868 aux Etats-Unis, vendu plus de 3,7 millions de dollars (4,366 millions avec les frais) chez Robert A. Siegel à New York en juin 2024 ?

Ce timbre dont on ne connaît qu’un seul exemplaire se distingue par un embossage en forme de « grille » (en relief), qui donne son nom au timbre, le « One cent blue Z-Grill »…
Rappelons rapidement cependant le contexte… La revue éditée par la Fédération des associations philatéliques européennes FEPA News de février 2025 constate qu’entre 2013 et 2024 le nombre d’associations philatéliques en Europe (38 pays) est passé de 4 859 à 3 014 (− 37,97 %), et le nombre de membres de 190 674 à 95 354 (− 49,99 %).
Le Royaume-Uni qui comptait 300 associations (20 000 membres) en 2013 n’en a plus que 212, pour 10 000 membres. La France, qui comptait, en 2013, 630 associations fédérées au sein de la Fédération française des associations philatéliques (FFAP), n’en recense plus que 550. Et ses membres sont passés de 30 000 à 16 500. Plus gros contingent de collectionneurs, l’Allemagne est passée de 1 165 à 782 associations (de 40 289 à 21 000 pratiquants)… Ce qui reste tout de même assez important pour un hobby. Conséquence cependant, la FEPA a publié en avril un rapport « proposant des stratégies concrètes pour aider les fédérations et sociétés philatéliques à travers l’Europe à renforcer leur présence numérique et à inverser la tendance à la baisse du nombre d’adhésions »… Une démarche à suivre.
Ainsi, après les ventes de printemps organisées par des maisons françaises La Postale philatélie, Behr et Le Timbre classique, c’est au tour de Cérès philatélie, à Paris de proposer une vente sur offres clôturée le 20 mai comprenant plus de 5 000 lots.

Un 20 centimes noir sur jaune au type « Cérès » sur lettre de Sarlat du 3 janvier 1849 pour Périgueux, cachet d’arrivée au verso le 4 janvier, au prix de départ de 7 500 euros, précède une lettre à destination de Moissac, revêtue d’un 20 centimes noir sur jaune oblitéré de la double barre en croix de La Magistère du 11 janvier 1849, oblitération caractéristique et rarissime de cette localité (25 000 euros).

Classique toujours, peu vu, un bloc de six 5 francs « Empire » gris-violet non dentelé, coin de feuille, démarre à 35 000 euros.

XIXe siècle encore, avec la collection « Romar », ses types « Sage » : un bloc de quatre du 75 centimes rose, bord de feuille, est à 10 000 euros ; parmi quelques 1 centime noir sur bleu de Prusse, une bande de cinq oblitérée à Bourg-Argental le 23 mars 1881, sur fragment, pointe à 25 000 euros. Un 25 centimes outremer, de juillet 1876, coin de feuille, est à 7 500 euros.
Une soixantaine de courriers transportés par ballons montés au départ de Paris assiégé pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 proposent des prix allant de 150 à 6 000 euros, parmi lesquels, à 800 euros, un pli provenant du sac accidenté – en Norvège – du « Ville d’Orléans », cachet à date de Paris du 23 novembre 1870.
On passe aux timbres du XXe siècle…
A 3 000 euros au minimum, une bande Citex du centenaire du timbre-poste (1849-1949) dans un feuillet dentelé, concurrence, à 4 200 euros, un bloc « Marianne » de Dulac légendé « Libération de Paris 25.8.44 ».

Les épreuves d’artistes signées permettent de retrouver les signatures manuscrites autographes de Decaris, Gandon, Piel, Béquet ou Lacaque, de 40 à 500 euros (pour des projets non retenus), tandis qu’une maquette au crayon d’un projet de « Marianne » non émis, signée Cyril de La Patellière, démarre à 100 euros.

Pour les ex-colonies françaises, territoires français d’outre-mer et reste du monde, on notera les bonnes rubriques Saint-Pierre-et-Miquelon, Monaco, Terres australes et antarctiques françaises (une feuille du 20 francs « Albatros à sourcils noirs », coin daté du 17 novembre 1967, 2 750 euros).

La fin de la vente est consacrée aux bureaux de poste français du XIXe siècle à l’étranger (292 références).
Andorre, Falkland, Suisse
On notera quelques bonnes valeurs, comme ce journal affranchi d’une bande de cinq du 5 centimes vert « Empire Franc » dentelé (1862) au départ de Yokohama, oblitéré du 12 mai 1874, à 5 000 euros ; une lettre avec « Cérès » 40 centimes orange (1870) et paire du 80 centimes rose (1872), au départ de Cavalle (Turquie) pour Cospoli, le 3 novembre 1875, à 6 000 euros.
Plusieurs ventes aux enchères organisées à l’étranger en mai paraissent pleines de promesses.
En Grande-Bretagne, à Londres, Spink propose deux sessions, les 13 et 14 mai.

La première est dédiée à la Guyane britannique (« British Guiana »), 329 lots, parmi lesquels une lettre de 1851 qui affiche une estimation de 100 000 à 150 000 livres (environ de 117 600 à 176 500 euros), unique selon le vendeur.
Une lettre avec un 4 cents noir sur orange sur lettre de Demerara du 18 mars 1851 est à 10 000-15 000 livres (cinq lettres connues avec un tel affranchissement).

Une paire de 4 cents noir sur papier magenta de 1856 (émission provisoire, oblitération de Demerara) est estimée 10 000-15 000 livres.
Compter 15 000-25 000 livres pour un 4 cents noir sur papier bleu (1856), coupe octogonale, oblitéré à Demerara, dont on ne connaît qu’une douzaine d’exemplaires.

Une « variété » (un défaut) de dentelure d’une paire de 4 cents violet ardoise à l’effigie de George V et chute d’eau (1934) pointe à 4 000-6 000 livres.
Le monde entier est au programme de la vente Spink du 14 mai, 478 lots dont on pourra retenir :
– Andorre, 20 centimes outremer non émis (estimation 7 000-10 000 livres, pour une cote de 40 000 euros). La vente sur offres Behr clôturée le 15 mai en propose un (avec bord de feuille) au prix de départ de 32 000 euros. (https://behr.fr/vente/11/127)

– Australie (1915-1918), bloc de neuf du 1 livre marron et bleu surchargé « SPECIMEN » (8 000-10 000 livres), deux autres blocs de neuf connus.

– Falkland, pour les amateurs du thème polaire, lettre de 1878 pour Londres, cachet rouge « FALKLAND ISLANDS/PAID » (10 000-15 000 livres).

– Falkland, belle erreur de conception sur le 6 pence « 50 th Anniversary of the battle of the Falkland Islands » (1964) représentant le HMS Glasgow, au lieu du HMS Kent (25 000-30 000 livres).

– France, bloc de 18 de l’essai du 1 franc bleu « Cérès » (1849-1850) non dentelé (2 500-5 000 livres). La vente Behr du 15 mai propose, au prix de départ de 200 euros, un exemplaire des essais du 40 centimes en rose et du 1 franc bleu.

– « Emission de Bordeaux » sur lettre, 40 centimes orange coupé verticalement pour faire 20 centimes, de Cornus (Aveyron, 31 décembre 1870) pour Montpellier (cachet d’arrivée, au verso, du 4 janvier 1871), magnifique, 4 000-6 000 livres.

– Kenya, Ouganda, Tanganyika, 500 roupies, George V (1912), 18 000-20 000 livres.

– Suisse, poste aérienne, bloc de quatre du 10 centimes surchargé sur 15 centimes vert (1935), surcharge renversée (6 000-8 000 livres).

La Guyane britannique joue les « prolongations », avec une lettre estimée 30 000-50 000 livres, revêtue d’un 12 cents noir sur bleu, oblitérée en 1851, décidément une bonne année !

Le consul en 1800
On termine avec un ensemble de ventes aux enchères organisées en Suisse par David Feldman : neuf catalogues – Autriche, outre-mer et thématiques, France et ex-colonies, Suisse, Brésil, Empire britannique, Grande-Bretagne, Inde et anciens Etats indiens, Egypte –, ventes réparties sur sept jours, du lundi 26 mai au dimanche 1er juin (voir le détail en encadré).
Commençons par la France, le 27 mai après-midi. Le premier lot à ne pas manquer est une lettre de 1800 revêtue de la signature manuscrite autographe de Napoléon Bonaparte, en tant que premier consul, sur une « lettre lui ayant été adressée par Marie-Louise Dupuy de Certain, dans le but d’obtenir une pension suite à la mort de son mari le général Marbot (mort en avril 1800 à Gênes pendant la campagne d’Italie) », pour une estimation de 1 200 à 1 500 euros.

Une belle lettre affranchie d’un 20 centimes noir « Cérès » annulé par une grille rouge de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle) du 20 janvier 1849 pour Toul vaut 6 000-8 000 euros.
Compter de 30 000 à 45 000 euros pour une lettre affranchie d’un 25 centimes bleu foncé « Cérès » et d’un 1 franc carmin foncé, oblitérés par la grille rouge, courrier recommandé au départ d’Angoulême le 21 octobre 1850 pour Bordeaux.

Une lettre de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) pour Paris affranchie d’une superbe avec bande (et bord de feuille) de cinq exemplaires du 1 franc carmin « Cérès », départ le 27 juillet 1852, avec cachet d’entrée en France « ANGL. / (AM.2) CALAIS » du 18 août 1852, est estimée 15 000-20 000 euros.
Après quelques 1 franc carmin « Cérès », cinq 1 franc vermillon proposent des cotes allant jusqu’à 80 000 euros.
Une paire neuve du 10 centimes bistre Napoléon « Présidence », avec coin de feuille, bénéficie d’une estimation de 46 000-70 000 euros.

Une rare utilisation du 1 centime noir sur bleu de Prusse au type « Sage », oblitéré d’un cachet à date rouge sur imprimé (1880), représentant la première date connue de circulation de ce timbre mythique de France, l’imprimé étant une émission publique d’actions des grands magasins du Printemps de Paris à destination de La Courtine, pointe à 22 000-35 000 euros. Ce timbre neuf, avec l’inter-panneau attenant, est à 8 000-12 000 euros.

De rarissimes ballons montés de la guerre franco-prussienne – les deux les plus exceptionnels, estimés de 70 000 à 100 000 euros, dont celui transporté par « Le Ville-d’Orléans », à destination (rare) de Panama, cachet de départ de Paris, place de la Bourse, du 23 novembre 1870, mention manuscrite « vapeur anglais » et « via Southampton » avec cachet de passage par Londres du 2 décembre, griffe rouge PP en remplacement du timbre (à 80 centimes) décollé par immersion, le ballon ayant été accidenté, le second pour la Nouvelle-Calédonie – encadrent un « exceptionnel et rarissime document daté du 28 octobre 1870 rédigé et signé par Félix Tournachon, dit Nadar, qui, parallèlement à ses activités de romancier, caricaturiste et photographe, a créé au pied de la butte Montmartre une compagnie d’aérostiers dont le but était de transporter le courrier et les dépêches par ballon lors du siège de Paris. Le document est adressé à M. Villeneuve, alors premier adjoint du 17e arrondissement de Paris, lui demandant d’adresser les courriers pour “hors Paris” car le départ d’un ballon était prévu sous peu. Le document porte le cachet rouge de la Compagnie des aérostiers Nadar-Dartois-Durof, ces deux derniers étant les associés de Nadar dans ce projet aéropostal », selon la description du vendeur, pour une estimation de 6 500 à 12 000 euros.
On passe rapidement aux timbres du XXe siècle, parmi quelques rares feuilles d’essais de couleurs non dentelés, les 50 essais de couleur du 60 centimes « Jeu d’échecs » (1966), coin daté du 24 février 1966, à 4 200-6 500 euros.

Au rang des curiosités, « Marianne » de Beaujard et Ciappa et Kawena (2011-2013), un lot peu commun de neuf bobines entières de 500 timbres neufs (nos 4239, 4240, 4241, 4572, 4573, 4597, 4778, 4779 et 4780 au catalogue Yvert et Tellier), pour une cote supérieure à 20 000 euros, bénéficie d’une estimation de 2 000 à 2 800 euros !
Un bloc de quatre de la « Marianne » de Dulac non émis (1944), avec une faciale à 1,50 franc au lieu de 2,40 francs, « première pièce vue à ce jour selon certificat » de l’expert parisien Calves, vaut bien ses 24 000 à 35 000 euros d’estimation.

Le prix de 150-250 euros pour un ensemble de 32 carnets « Portraits de régions » (2003-2008) semble bien indiquer que les timbres récents ne sont pas une valeur de placement, si l’on ne « tape » pas dans les « variétés et curiosités », comme cette dégradation progressive de la couleur noire provoquant la variété de légende absente dans une bande de cinq timbres tenant à normal du 5 francs « Alberto Magnelli. Virginia » (de 3 000 à 5 000 euros d’estimation, pour un prix de vente en 1986 à La Poste de 25 francs !).

Les ex-colonies françaises suivent le mercredi 28 mai.

On retiendra quelques bons timbres aux rubriques Chine, Madagascar, Maroc, Nouvelle-Calédonie, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon – avec un très bon 45 000-60 000 euros, pour un 2 centimes lilas-brun sur gris « Alphée Dubois » de 1885, surchargé « 5 SPM », timbre neuf sans gomme, surcharge à l’endroit, la surcharge de ce timbre étant normalement renversée, pièce unique –, Togo et surtout Monaco, qui fait partie de cette session, avec un ensemble de sept épreuves avec mention en rouge « bon à tirer » de la série « Orphelins » (1919, Y & T n° 27/33), chacune contrecollée sur grand feuillet à en-tête de l’Atelier des timbres-poste et datée du 5 juillet 1919 avec signature et mentions manuscrites, estimé 28 000 à 40 000 euros.

Cérès Philatélie, 23, rue du Louvre, 75001 Paris. Tél. : 01-42-33-31-91 et courriel : [email protected].
Spink, 15 Abchurch Lane, EC4N 7BW, Londres, Angleterre. Tél. : 44 (0) 20 7563 4005 et courriel : [email protected].
Ventes aux enchères David Feldman, Everness Hotel & Resort, Les Champs-Blancs 70B, 1279 Chavannes-de-Bogis, Vaud, Suisse. Tél. : 41 22 727 07 77 et courriel : [email protected].
Une semaine d’enchères chez David Feldman
Les sessions vont se succéder, du 26 mai au 1er juin, lors des ventes aux enchères organisées par la maison David Feldman, au bord du Léman. Le précédent événement de ce type s’était déroulé en novembre 2024.
Rien que pour les dix-sept pièces présentées ici – sur les milliers que compte la vente –, l’estimation haute dépasse 813 000 euros.

Lundi 26 mai, à 10 heures : Autriche ; à 14 heures : Europe (Autriche à Portugal).


Mardi 27 mai, à 9 heures : Europe (Roumanie à Yougoslavie) ; à 14 heures : France.

Mercredi 28 mai, à 9 heures : ex-colonies françaises ; à 14 heures, Suisse ; à 17 heures, Brésil.


Jeudi 29 mai, à 10 heures : Empire britannique (dont Irlande).



Vendredi 30 mai, à 10 heures : Grande-Bretagne ; à 15 heures, Inde et anciens Etats indiens.



A noter que cette paire de lettres avec un « two pence blue » coupé en deux avait été proposée en 2024 par David Feldman sur la base d’une estimation de 120 000/140 000 livres, ici estimée 95 000/110 000 livres. Ces plis trouveront-ils preneur ?

Samedi 31 mai, à 10 heures : Grèce, îles Ioniennes et Jeux olympiques de 1896 ; à 14 heures, Egypte.

Dimanche 1er juin, à 10 heures : monde entier (dont plis des XVIIIe et XIXe siècles de l’ex-colonie de Saint-Domingue et d’Haïti et bureaux de poste britanniques pour la France) et thématiques (plis transportés dans l’espace, polaires, etc.).



L’aérophilatélie et l’astrophilatélie sont bien représentées dans ce dernier catalogue, avec des plis des missions Apollo, des autographes de Stuart Roosa, Valentina Terechkova, Walter Cunningham, Jean-Loup Chrétien, etc.
Une enveloppe « historique » transportée en Inde en février 1914 par l’aviateur français Marc Pourpe (1887-1914), peu de temps avant sa mort au combat, ravira les amateurs de l’histoire des premières heures de la poste aérienne, un sujet largement traité par Timbres Magazine en 2021…
Les ventes aux enchères David Feldman se déroulent à l’Everness Hotel & Resort, Les Champs-Blancs 70b, 1279 Chavannes-de-Bogis, Vaud, Suisse. Tél. : 41 22 727 07 77 et courriel : [email protected]. Siège de l’entreprise : David Feldman, chemin du Pavillon 2, Bâtiment A – 4e étage, 1218 Le Grand-Saconnex, Genève, Suisse.