Si l’on devait dessiner la vie de Pierre Lyon-Caen, peut-être faudrait-il retenir le symbole d’une ligne parfaitement droite, mais brisée dès son début. Descendant d’une grande famille de juristes, de confession juive, ce magistrat, mort le 23 août à Paris à l’âge de 86 ans, a été avocat général à la Cour de cassation, cofondateur du Syndicat de la magistrature (SM) et très proche collaborateur de Robert Badinter quand ce dernier était ministre de la justice de François Mitterrand. Son arrière-grand-père, Charles Lyon-Caen, a été doyen de la faculté de droit de Paris, son grand-père Léon, président de chambre à la Cour de cassation, et son père, François, avocat aux conseils. Mais de ce père, il n’a gardé quasi aucun souvenir : la police française débarque à son domicile le 24 août 1943 et le déporte à Auschwitz, où il meurt quelques mois plus tard. Pierre Lyon-Caen a 4 ans et devient orphelin, sa mère étant morte un an auparavant d’une maladie.
Son frère aîné Arnaud, sa sœur Dominique et lui sont confiés à leurs grands-parents paternels qui les envoient se cacher, d’abord dans une propriété de famille près de Lodève (Hérault), puis au Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire. L’épreuve de la guerre a été particulièrement impitoyable pour la famille. Exclu de la Cour de cassation en décembre 1940 parce que juif, Léon Lyon-Caen perd, en plus de son fils François, deux autres fils (Charles et Georges), mais cette fois sur le champ de bataille. Le seul survivant, Gérard, l’oncle de Pierre, deviendra quant à lui un grand professeur de droit.
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