Sous sa barbe brune et fine, des joues bien rondes. Derrière ses lunettes, les traits de son visage paraissent encore enfantins. Le jeune homme, tee-shirt et bermuda noirs, claquettes aux pieds, reçoit dans un modeste appartement, en banlieue lilloise. Il y vit avec son père, absent en cette matinée de juillet. Depuis une heure, ce grand adolescent retrace sa vie déjà bien cabossée, à tout juste 21 ans. Il trébuche sur les dates.
Les mots, parfois, sortent difficilement. Alors le voilà qui précise, avec son accent ch’ti : « Avant, je parlais pas comme ça. Parfois, durant des discussions, je trouve plus mes mots. Avant, j’étais plus… je trouvais mes mots, dans les débats, je savais quoi dire. » Ces dernières années, il a l’impression que son cerveau tourne au ralenti. « Ça fait peur. Je me dis : “Est-ce qu’à 40 ans j’aurai pas Alzheimer ?” »
Mais il n’y a pas que la tête qui l’inquiète. Assis sur le canapé du salon, Lucas (son prénom a été changé) montre ses pieds. « Là, j’arrive à remarcher en claquettes, c’est plus difficile qu’en chaussures, mais ça m’aide à remuscler mes pieds. Avant, c’était pas possible. Les orteils ne fonctionnaient plus. Au début, on se dit : “Ouais, c’est vite fait, c’est comme des crampes.” Mais quand on voit que ça revient pas et que ça empire, ça devient choquant. »
Il n’a pas oublié son passage à l’hôpital, « peut-être en 2022 », à peine majeur : « Je ne tenais plus debout. Je m’appuyais aux murs, je les longeais. » Il lui a fallu enchaîner des dizaines de séances de kiné, avec « l’impression d’être un enfant qui réapprend à marcher ». Aujourd’hui, Lucas peut à nouveau se déplacer. Mais rien n’est plus pareil. « Les orteils, je les bouge, montre-t-il, mais pas comme quand j’étais petit. » Au niveau des mains, il ressent souvent des picotements.
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