Polluants éternels : ces villages de l’est de la France sont contraints de vivre sans eau courante

• Le ministère de la Transition écologique vient de lancer une carte en ligne situant la présence des PFAS ou « polluants éternels » en France.
• Certaines communes des Ardennes et de la Meuse, où des taux anormaux ont été détectés, interdisent déjà la consommation d’eau du robinet.
• Regardez cette enquête du JT de 20H de TF1.

Pour certains, c’est une expression obscure. Pour d’autres, plus assidus, c’est le dérivé de l’acronyme PFAS, pour substances per- et polyfluoroalkylées. Pour beaucoup de Françaises et de Français, ce que l’on nomme désormais communément les « polluants éternels » ne sont donc que des mots, constituant une menace un peu lointaine. Pas pour les 3.420 habitants cumulés de 16 communes réparties entre les Ardennes (12) et la Meuse (4), ayant tous reçu par courrier, début juillet, des directives préfectorales leur interdisant de consommer l’eau du robinet, après la découverte dans les nappes phréatiques locales de taux anormaux de ces émissions industrielles potentiellement dangereuses. Ce qui chamboule fatalement le quotidien sur place, tandis que le gouvernement s’est emparé du sujet en lançant, notamment, une carte en ligne le 31 juillet.

Première conséquence : à Haraucourt (Ardennes), l’un des villages frappés par cet arrêté, la consommation d’eau minérale explose. À hauteur de « trois bombonnes de cinq litres par semaine, plus trois ou quatre packs d’eau », précise, au micro de TF1, dans l’enquête du 20H visible en tête de cet article, l’Haraucourtois Laurent Titeux, chez qui même le rinçage de salades ou la cuisson des pâtes se fait désormais à l’eau en bouteille. Parce que celle du robinet contient entre 2,7 et 27 fois plus de PFAS que les normes autorisées. « Ma femme a des troubles intestinaux. Ma fille a des problèmes de diabète. Ce n’est que de l’eau, ça ne vaut pas le coup de prendre de risques avec notre santé », reprend le père de famille.

Pour alléger quelque peu cette nouvelle contrainte pesant sur leurs administrés, les mairies des 16 communes concernées se sont engagées à leur rembourser, au moins en partie, leurs dépenses en eau minérale. Dans la limite de deux bouteilles d’eau par jour et par personne, s’agissant d’Haraucourt. Devant notre caméra, Laurent Titeux vient donner son RIB (relevé d’identité bancaire) à Joël Pottier, troisième adjoint au maire. « Vous n’êtes pas le premier, vous ne serez pas le dernier, il en manque encore quelques-uns », lui lance l’élu local, ainsi confronté à un casse-tête logistique et financier. « Dans un premier temps, pour les six premiers mois, ça va nous coûter 31.500 euros. Ce n’est pas une petite somme, mais bon, on n’a pas le choix », détaille encore Joël Pottier, concernant l’impact d’un tel dispositif sur les finances d’une commune de 720 habitants.

Pour l’heure, seules les municipalités portent cette charge économique, pour une durée indéterminée, l’interdiction pouvant s’étendre jusqu’à la fin de l’année. Alors les maires et leurs équipes étudient déjà des solutions plus durables que ces remboursements dans l’urgence. Comme le raccordement à un réseau voisin. Problème : la loi de l’offre et de la demande s’applique quand même ici, malgré l’enjeu de santé publique. « On nous a annoncé des prix de 150 à 350 euros du mètre pour aller se brancher sur une autre commune », distante de trois kilomètres, « donc vous voyez les coûts que ça peut représenter, et derrière, rien ne dit qu’on ne va pas trouver aussi une contamination dans ce village d’à côté », souligne le troisième adjoint.

La ville teste actuellement une autre solution, moins coûteuse, pour rendre l’eau de nouveau potable : de gigantesques filtres à base de charbon actif, à même de capturer les composés organiques dissous, sans toutefois éliminer complètement les PFAS. L’ultime piste mène, elle, dans un laboratoire dans lequel des chercheurs français expérimentent une nouvelle technique, théoriquement bien plus efficace : faire chauffer l’eau concentrée en polluants jusqu’à des températures extrêmes qui neutralisent ces derniers. « Cette méthode que vous voyez ici permet de dégrader totalement les PFAS qu’on a testés, vante David Cuny, directeur d’une usine de production d’eau potable à Metz (Moselle). Donc au sens scientifique du terme, ces polluants ne sont pas éternels. » Si les résultats de cette phase de test s’avèrent concluants, il sera toujours temps de modifier l’expression.