Livre. « Vous savez, je paraîtrai peut-être un peu résignée, je crois malheureusement que l’antisémitisme laissera toujours des séquelles, qu’elles sont longues à passer et que l’on ne fait probablement pas toujours ce qu’il faudrait », déclare Simone Veil en avril 2005. Ces mots, elle les prononce devant un parterre d’élèves, les têtes bien faites de Normale Sup, lors d’une conférence organisée à l’occasion du soixantième anniversaire de la libération des camps de la mort.
A 77 ans, celle qui siège alors au Conseil constitutionnel a une carrière époustouflante derrière elle. Première femme secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature, ministre de la santé qui parvint à faire voter – c’était un défi – la loi de 1975 autorisant l’interruption volontaire de grossesse (dite « loi Veil »), première présidente du Parlement européen élue pour la première fois au suffrage universel direct… La liste est longue.
Mais ce jour-là, c’est la rescapée de la Shoah qui vient témoigner rue d’Ulm. Elle confie aux étudiants, sobrement, sans emphase, les souvenirs de sa jeunesse volée. Si Simone Veil jouit alors d’une large renommée, son histoire personnelle en revanche est mal connue – elle n’a pas encore publié Une vie (2007), son autobiographie. La conférence, enregistrée à l’époque, vient d’être reprise, deux décennies plus tard, dans un livre intitulé Pour les générations futures (Albin Michel, 160 pages, 17,90 euros).
Son plus grand combat, l’Europe
Elle y évoque son père, patriote, laïque et aveugle au danger, qui va sans hésiter faire tamponner du sceau de « juif » les papiers d’identité de la famille. Sa directrice qui ne veut pas d’histoires et finit par lui intimer : « Arrangez-vous, mais ne venez plus au lycée. » Le bachot, passé malgré tout en mars 1944 et son arrestation un jour plus tard, alors qu’elle allait fêter, munie de faux papiers, la fin des examens ; puis celle de sa mère, de sa sœur et de son frère, qu’une brève filature permet de repérer.
Ensuite, l’enchaînement implacable de la machine exterminatrice se met en branle : Drancy, les wagons à bestiaux, puis Auschwitz, où l’on sélectionne les plus robustes à l’arrivée. « Dites que vous avez 18 ans », lui souffle un déporté. Les rebutés de la sélection connaissent un sort funeste : « Vous voyez la fumée, eh bien voilà, c’est terminé, ils ont été gazés. »
Cette histoire, on la connaît car Simone Veil l’a racontée à plusieurs reprises par la suite. On la redécouvre cependant ici avec de nouveaux mots, de nouveaux détails. Et le récit sert de point de départ à un questionnement sur des thèmes chers à l’ancienne déportée : la mémoire de la Shoah, la transmission aux générations futures, l’antisémitisme, le rôle des Justes, ou encore le sort des enfants cachés.
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