Les vaches auront-elles raison des jaguars ? Sous la pression de l’élevage, la déforestation progresse en Colombie et menace la survie du plus grand des félins latino-américains. « Le danger est double. La fragmentation du territoire où se déplacent les jaguars s’accélère. Et les paysans tuent ceux qui mangent leurs veaux, leurs chiens et leurs poules », explique Julio Roberto Del Cairo, promoteur du « couloir de protection du jaguar », une initiative visant à maintenir la connectivité entre des zones de conservation du félin, dans le département du Guaviare, à la lisière nord de la forêt amazonienne.
Très adaptable, le jaguar vit dans 16 des pays du continent. En Colombie, on le trouve sur la côte Caraïbe et sur la côte Pacifique, dans les contreforts des Andes, les plaines de l’Orénoque et, bien entendu, dans l’immensité de la jungle amazonienne. La population totale est estimée à 16 000 individus. Mais l’habitat de Panthera onca dans le pays s’est réduit de près de 40 % au cours du siècle dernier, selon une étude du Fonds mondial pour la nature (WWF).
Assurer « la survie de tout un écosystème »
La Colombie qui, du 21 octobre au 1er novembre, accueille la 16e conférence onusienne sur la biodiversité (COP16), voudrait faire une cause nationale de la sauvegarde du jaguar, une espèce dite « parapluie ». « En assurant la survie du jaguar, qui a besoin d’un vaste espace et occupe le haut de la chaîne alimentaire, on permet la survie de dizaines d’autres espèces et de tout un écosystème », poursuit Julio Roberto Del Cairo.
Claudia Cocuy élève ses 15 vaches entre plaine et jungle dans la région de Charras, à cinq heures de piste de San José, le chef-lieu du Guaviare. « Avant, j’avais peur du jaguar, comme tout le monde ici, raconte-t-elle. Mais quand j’ai vu les photos de l’animal prises par un piège photographique posé juste à côté de chez moi, j’ai compris que le jaguar et nous vivons sur le même territoire et qu’il fallait qu’on s’entende. » Elle rectifie : « En fait, c’est nous, les humains, qui avons envahi son territoire à lui. » Celle qui préside Asopronare, une petite association de producteurs locaux, défend avec ferveur le projet de couloir du jaguar.
Celui-ci a démarré il y a quatre ans avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le WWF. Il couvre aujourd’hui plus de 400 000 hectares et mobilise une quarantaine d’organisations communautaires. « Seule l’action des gens qui vivent sur le territoire est efficace sur le long terme pour protéger le jaguar et la nature », insiste Miguel Mejia, le responsable du projet côté PNUD.
Il vous reste 61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.