Le militaire de l’unité spécialisée dans les secours secoue la tête. « On ne peut pas être préparé à quelque chose comme ça. » L’homme vient de passer de longues minutes allongé entre trois voitures empilées, encastrées, broyées avec une douzaine d’autres contre un petit pont en béton au-dessus d’un canal d’évacuation d’eau en périphérie de Chiva, une des villes les plus durement touchées par les inondations dans la région de Valence. Leur travail est dangereux et harassant parce qu’il leur faut vérifier l’intérieur de chaque véhicule, dont certains sont immergés, parfois à moitié enterrés dans les gravats. Une grue a tenté de tirer les voitures du haut mais sans succès. Un énorme bulldozer a pris le relais pour les enlever. Dans la nuit, les militaires sondent la boue du canal avec des bâtons.
L’opération a lieu deux kilomètres en amont de Chiva, 280 mètres d’altitude, une des communes où les pluies ont été les plus impressionnantes, mardi 29 octobre, à l’ouest de Valence : plus de 40 cm en quelques heures, l’équivalent d’une année entière de précipitations. La terre n’a pas pu digérer de tels volumes et l’eau a roulé des collines vers la ville de 16 000 habitants puis direction Valence et la mer, causant la mort de plus de 200 personnes, selon un bilan toujours provisoire. Les dégâts ressemblent à ceux d’une avalanche, tant le flot a charrié des débris de toute sorte, arrachant les pavés des villes, le goudron des routes, les parpaings des murs, les pierres des champs, la terre, les troncs et tout ce que l’intelligence humaine et la société de consommation ont produit, des machines à laver aux voitures, en passant par les meubles.
A Chiva, comme dans des centaines de sites similaires, les recherches ont lieu dans des conditions extrêmement difficiles afin de tenter de trouver des disparus, sans doute nombreux, à propos desquels aucun chiffre officiel n’a été communiqué. La zone industrielle de la ville a pris la vague de plein fouet alors même que les entrepôts se situent à plusieurs centaines de mètres du Barranco del Gallo, ce filet d’eau devenu, pendant quelques heures, une redoutable machine à détruire et à tuer.
« Des montagnes de voitures »
Le ruisseau est sorti de son lit, ravageant l’espace sur plusieurs hectares. Le chemin de fer a été tordu, au sens propre. Des véhicules ont été éparpillés dans les champs alentour, au milieu des oliviers, laissant l’impression d’un paysage de fin du monde. « Les voitures sont encore entassées par centaines et centaines dans la boue. Il y a des montagnes et des montagnes de voitures. Beaucoup seront vides, mais il est probable que d’autres, clairement, sont pleines », a expliqué, en larmes, la maire de Chiva, Amparo Fort, sur les antennes d’une radio publique, vendredi matin.
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