Le coup est rude pour la Cour pénale internationale (CPI), surtout de la part d’un de ses Etats fondateurs, qui se targue de surcroît d’être la « patrie des droits de l’homme ». D’un communiqué sibyllin, la France a sapé, mercredi 27 novembre, l’autorité de cet organe judiciaire et amoindri le poids du mandat d’arrêt délivré six jours plus tôt par ses juges à l’encontre de Benyamin Nétanyahou pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans le contexte de la guerre à Gaza. Le tout, de sources concordantes, pour ne pas rompre avec le premier ministre israélien, qui contestait le rôle de médiateur revendiqué par Paris dans la recherche d’un cessez-le-feu au Liban arraché de haute lutte et annoncé mardi soir par Joe Biden et Emmanuel Macron.
Après plusieurs commentaires embrouillés, la France a précisé sa position sur le mandat d’arrêt délivré à l’encontre du chef de gouvernement israélien par la CPI. Tout en affirmant qu’elle « respectera ses obligations internationales » et que le statut de Rome, texte fondateur de la Cour, « exige une pleine coopération avec la Cour pénale internationale », le communiqué publié par le Quai d’Orsay souligne que ce texte « prévoit également qu’un Etat ne peut être tenu d’agir d’une manière incompatible avec ses obligations en vertu du droit international en ce qui concerne les immunités des Etats non parties à la CPI ». Une référence à l’article 98 du statut de Rome. Et le ministère des affaires étrangères de poursuivre : « De telles immunités s’appliquent au premier ministre Nétanyahou et aux autres ministres concernés et devront être prises en considération si la CPI devait nous demander leur arrestation et remise. » L’Etat hébreu n’ayant pas signé le statut de Rome, il n’a pas renoncé aux immunités de ses dirigeants en exercice, à l’inverse des 124 Etats parties de la CPI, dont la France.
Cette « clarification » a d’autant plus fait l’effet d’un coup de tonnerre, qu’elle survient sur fond de tensions récurrentes entre les gouvernements français et israélien, à l’issue de semaines de négociations pour obtenir un cessez-le-feu au Liban. Dans la dernière ligne droite de ces pourparlers, l’annonce par la CPI de l’émission des mandats, jeudi 21 novembre, est venue tendre encore les échanges, souvent acrimonieux, entre Emmanuel Macron et Benyamin Nétanyahou. A tel point que ce dernier, selon une source haut placée, a demandé au président français, vendredi, au téléphone, de se prononcer contre la décision de la Cour. Très pressant, il a réitéré une menace brandie ces derniers mois au fil de ses frictions avec le locataire de l’Elysée : contester les efforts de médiation de la France au Liban, et l’exclure du comité de supervision d’un éventuel cessez-le-feu, contre l’avis de Beyrouth et de Washington, qui insistaient au contraire pour garder Paris à bord.
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