Comment un grand bandit incarcéré depuis vingt-neuf ans et libérable en 2044 remplit-il ses journées de détention longues comme l’éternité ? Christophe Khider n’en a jamais fait mystère : « Je dois vous dire qu’une partie de mon temps est occupée à la recherche d’une solution pour m’évader », avait-il lancé à un juge d’instruction après son évasion, le 15 février 2009, de la prison de Moulins-Yzeure (Allier), sa quatrième tentative, la seule qui ait réussi.
Se pourrait-il que le braqueur épris de liberté ait changé ? Qu’à l’âge de 53 ans, la perspective d’un aménagement de peine ait adouci son obsession pour l’évasion ? C’est ce que semble penser la justice, qui lui a accordé dix permissions de sortie sans surveillance pour passer… son permis de conduire. Sa première escapade hors du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) est prévue le 19 août, et les leçons doivent se poursuivre jusqu’à la mi-septembre.
Cette décision de la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Douai (Nord), confirmant celle du tribunal d’application des peines de Béthune (Pas-de-Calais), dont le parquet avait fait appel, a sidéré le syndicat pénitentiaire UFAP-UNSA Justice. Dans un communiqué incendiaire, il s’insurge du fait que Christophe Khider, détenu depuis 1995 pour de multiples braquages, un meurtre et plusieurs tentatives d’évasion, et classé comme « détenu particulièrement surveillé » (DPS), ait pu bénéficier de cette « décision ubuesque ».
Un « road trip offert »
« Le détenu sortira en totale autonomie ! (…) L’application des peines lui ouvre les portes vers la liberté, en lui offrant un road trip ! L’honneur est sauf : la sécurité routière, cette fois, sera assurée par la présence d’un moniteur auto-école. (…) Y aurait-il, au fond d’un tiroir, une future radiation du répertoire des DPS ou un projet d’aménagement de peine ? », s’interroge le syndicat. De fait, si les sorties non accompagnées sont courantes, en accorder une à un détenu censé être « particulièrement surveillé » peut sembler paradoxal.
Mais cette autorisation de sortie s’inscrit en réalité dans un long processus de l’institution judiciaire. A l’été 2023, Christophe Khider, qui a passé plus de la moitié de sa vie en prison, a déposé une demande d’aménagement de peine, auquel il a droit depuis 2020. Or, cette mesure, qui vise à préparer progressivement la réinsertion dans la société en évitant une sortie sèche, est soumise à de nombreuses conditions : un projet de réinsertion viable, une batterie d’expertises, mais aussi… l’octroi de permissions de sortie, conçues comme un marchepied avant un éventuel retour à la vie civile.
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