- Chez de nombreux enfants adoptés, un même sentiment domine.
- Grandir en tant qu’enfant adopté s’accompagne souvent d’un sentiment de culpabilité, voire d’une impression de dette envers ses parents adoptifs.
- Comment ce sentiment, parfois inconscient, se manifeste-t-il réellement ?
Être adopté laisse parfois des traces profondes. La psychologue Nancy Newton Verrier, mère de deux filles dont une adoptée, décrit dans son ouvrage L’enfant adopté
ce sentiment d’incomplétude qui habite nombre d’enfants : « l’impression d’être handicapé, de ne pas être entier »
. Selon elle, l’enfant adopté « se sent défectueux, abîmé, fragmenté »
. Mais au-delà de cette douleur de ne jamais se sentir « assez », un autre fardeau peut apparaître : celui d’une dette envers ses parents adoptifs.
Pourquoi l’enfant adopté se sent-il redevable ?
Dans les relations adoptives, le sentiment de dette peut être symbolique. Dans son ouvrage Dettes et culpabilité chez l’enfant adopté
, le psychanalyste Bruno Mounier, explique que l’enfant adopté est écrasé par une dette imaginaire. Il se sent redevable à vie de tout ce qu’il a pu recevoir.
D’ailleurs, la Fédération Enfance & Familles d’Adoption alerte les parents sur son site : « adopter un enfant pour le sauver de la misère, c’est prendre le risque de le regarder toujours comme un rescapé (…) voire celui de considérer l’adopté comme ayant contracté une dette envers ses parents »
.
Cécile Delannoy, auteure spécialisée sur l’adoption, évoque dans son ouvrage L’ambivalence de la dette
une situation courante : l’enfant exprime une gratitude, parfois embarrassante pour les parents adoptifs, qui n’attendent rien en retour. En cas de tension, le spectre de l’ingratitude peut planer. Le discours parental se teinte alors de reproches : « la dette niée lorsque tout va bien peut resurgir dans l’inconscient, ou même devenir consciente, lorsque le jeune ‘disjoncte' »
.
Sentiment de dette : quelles conséquences ?
La peur de ne pas être à la hauteur ou de décevoir pèse lourd sur les épaules d’un enfant adopté. Selon Bruno Mounier, cela peut se manifester par des comportements de rejet, de déni ou de violence. Les enfants adoptés ne peuvent pas assumer ce qu’ils perçoivent comme une obligation.
Cécile Delannoy fait le même constat. Lorsque le poids de la dette devient trop lourd, l’enfant adopté peut se révolter ou s’effondrer, notamment quand les tensions apparaissent. Pour Bruno Mounier, il est essentiel d’adopter les bons réflexes. Il conseille aux parents adoptifs de montrer à leur enfant que ce qu’il a reçu n’est pas à rembourser, mais à transmettre à ses futurs enfants. Il s’agit alors de transformer cette dette pour aider l’enfant à sortir du sentiment de culpabilité.