Le procès de l’assassinat de Samuel Paty a débuté le 4 novembre devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Huit personnes y sont jugées pour leur implication à des degrés divers dans le projet mortifère d’Abdoullakh Anzorov.
Ce jeudi, Naïm Boudaoud, 22 ans, poursuivi pour complicité d’assassinat terroriste, a été interrogé sur les faits.
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Le procès de l’assassinat de Samuel Paty
Après les quatre premières heures d’interrogatoire sur les faits pendant lesquelles il était resté très calme, il a fini par craquer. « Je n’ai rien à voir avec cette histoire sur ce malheureux professeur tué par ce lâche et cette ordure qui s’est servie de moi », a lancé, ce jeudi 21 novembre, au président de la cour d’assises spéciale de Paris, Naïm Boudaoud, poursuivi comme Azim Epsirkhanov, l’un de ses voisins de box, pour complicité d’assassinat terroriste .
« Anzorov est un menteur. Il m’a utilisé. Cette ordure s’est servi de moi. J’ai jamais entendu parler de cette affaire, de cette polémique », s’était agacé juste avant ce jeune homme de 22 ans, né à Évreux, alors qu’il parlait du terroriste et de la polémique sur les caricatures.
Naïm Boudaoud est accusé d’avoir, le 15 octobre 2020, en compagnie d’Azim Epsirkhanov , conduit Abdoullakh Anzorov dans une coutellerie de Rouen pour l’achat d’un couteau correspondant à celui retrouvé à proximité du cadavre de l’enseignant mais qui n’a pas servi au crime. Le jour de l’assassinat de Samuel Paty, Naïm Boudaoud a également accompagné le terroriste dans une armurerie pour y acheter un pistolet Airsoft et des billes d’acier.
Boudaoud assure n’avoir rien vu de la radicalisation d’Anzorov
Au deuxième jour du procès de l’assassinat de Samuel Paty , Naïm Boudaoud avait contesté les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés . Il admet toutefois avoir bien conduit le terroriste qu’il avait rencontré un an plus tôt à la salle de sport avec Azim Epsirkhanov, acheter un couteau d’abord le jeudi 15 octobre, puis un pistolet le lendemain.
Concernant le couteau, il assure, comme son co-accusé, que le terroriste avait expliqué que c’était un cadeau pour son grand-père dont c’était l’anniversaire. Franck Zientara, président de la cour, s’étonne que ce type de cadeau ne l’ait pas surpris. « Le contexte, c’est que son grand-père (au terroriste) est un Tchétchène, un collectionneur. Moi, je pensais que son grand-père faisait une collection de couteau. En plus, il (Anzorov) a fait emballer le couteau dans du papier-cadeau », a justifié le jeune homme brun et mince, à la barbe taillée et dont la voix comme le visage paraissent encore très jeunes.
Toujours sur cette journée du 15 octobre, le président est surpris que Naïm Boudaoud n’ait pas été interpellé par le fait qu’Abdoullakh Anzorov n’avait pas mangé aux McDonald’s où les trois amis s’étaient rendus le midi, sous entendant que ce dernier avait jeûné, ou encore, qu’il ait voulu courir faire sa prière sur le parking de la mosquée de Rouen juste après l’achat du couteau. « Anzorov voulait aller prier. Ça commençait (la prière à la mosquée) alors on a couru. Moi, c’est la première fois que j’allais à la mosquée. Il s’est moqué de moi car je ne connaissais pas les gestes. Moi, je regarde sur YouTube pour voir comment on fait », a expliqué le prévenu, musulman, qui soutient ne prier que pour les grandes occasions ou avant « les examens » par exemple.
Questionné sur la radicalisation du terroriste, Naïm Boudaoud a soutenu par ailleurs n’avoir rien vu, même s’il savait qu’Anzorov ne serrait pas la main aux femmes, qu’il n’écoutait pas de musique, qu’il avait une playlist « Djihad » et qu’il lui avait dit : « pas prier, c’est pire que de violer un homme. »
Ma mère m’a appelé, elle m’a dit : ‘Il y a un Tchétchène de 18 ans d’Évreux qui a fait un attentat’
Ma mère m’a appelé, elle m’a dit : ‘Il y a un Tchétchène de 18 ans d’Évreux qui a fait un attentat’
Naïm Boudaoud, jugé au procès de l’assassinat de Samuel Paty
Sur les faits du 16 octobre, jour de l’assassinat, Naïm Boudaoud a réaffirmé ne rien savoir de tout ce qui se tramait. Selon lui, s’il a conduit Abdoullakh Anzorov en fin de matinée dans une armurerie pour y acheter des pistolets, c’est parce que ce dernier lui avait expliqué qu’il avait « des embrouilles avec des noirs », « des Africains de Mantes ». « Je pouvais pas imaginer qu’il allait commettre un meurtre avec un pistolet à billes », a poursuivi l’accusé.
Quand il l’a déposé devant le collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), vers 13h30 le jour du crime, Naïm Boudaoud pensait qu’Abdoullakh Anzorov allait commettre un vol car il avait « une dégaine de cambrioleurs », a-t-il détaillé.
L’attentat, il n’en a pris connaissance, selon lui, que le soir du crime, alors qu’il passait la soirée avec son amoureuse. « Ma mère m’a appelé, elle m’a dit : ‘Il y a un Tchétchène de 18 ans d’Évreux qui a fait un attentat’, qu’il a tué un prof. Elle me dit : ‘T’as déposé un jeune ce matin’. Elle me parle d’un prof, d’un attentat. Je comprends rien », a rembobiné l’accusé.
Sa petite amie commence à regarder l’actualité des faits divers sur les réseaux sociaux, s’est-il souvenu. « On est sous le choc. Azim (Epsirkhanov) m’appelle, il me dit qu’Abdoullakh (Anzorov) ‘a fait une dinguerie’, qu’il ‘a posté une photo de tête décapitée sur les réseaux sociaux’. J’ai même pas de mots pour décrire à ce moment-là notre état de panique, de stress ».
Le soir-même, peu après minuit, Naïm Bouaoud et Azim Espirkhanov se rendront au commissariat où ils seront placés en garde à vue. « On n’est pas bien. On est choqués. C’est là que tout commence, la garde à vue, la DGSI… », s’est remémoré l’accusé.
Comme Azim Epsirkhanov, Naïm Bouaoud encourt la réclusion criminelle à perpétuité.