La banderole a flotté, toute la semaine, en haut des remparts en face du palais de justice d’Avignon : « Soutien à Gisèle, non au huis clos. » Ces derniers jours, les messages s’étaient multipliés sur les murs de la ville : « Si c’est huis clos, c’est pas réglo » ; « Huis clos, éviction des preuves des viols » ; « A qui profite le huis clos ? » Le débat a fini par revenir parasiter le procès des viols de Mazan.
Il avait pourtant été tranché au premier jour : lors d’un procès pour viol, selon l’article 306 du code de procédure pénale (CPP), « le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ne s’y oppose pas ». Gisèle Pelicot s’y était opposée. Procès public, donc.
Les vidéos archivées par Dominique Pelicot, socle de l’accusation, devaient être diffusées dans les cas où les faits étaient contestés par tel ou tel coaccusé. Mais le président de la cour criminelle du Vaucluse, Roger Arata, jugeant ces vidéos « indécentes et choquantes », après la diffusion de la première d’entre elles le 19 septembre, avait finalement ordonné qu’elles seraient visionnées à huis clos, en vertu de l’article 309 du CPP, qui dispose que « le président a la police de l’audience et la direction des débats » et « rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ».
« Une perception, c’est subjectif »
La décision était contestée par les avocats de Gisèle Pelicot, qui avaient sollicité un nouveau débat sur ce point primordial à leurs yeux. Car, dans ce procès pour viols si particulier, où la parole des accusés ne peut être comparée à celle de la victime, qui n’a aucun souvenir des faits, seules les vidéos permettent d’apporter la contradiction.
Le débat a eu lieu vendredi 4 octobre. « La grande majorité des accusés plaident qu’ils n’ont pas eu la perception de commettre un viol », pensant que Gisèle Pelicot dormait, mais devait se réveiller ou faisait semblant de dormir, a expliqué Antoine Camus, un des avocats de la victime. « Une perception, c’est subjectif, tout le monde peut en avoir une différente pour une même scène. On doit, ici, au moins débattre de la crédibilité de la perception rapportée par les accusés de ne pas avoir commis un viol », a encore dit l’avocat, rappelant le souhait de sa cliente de « tout montrer ».
« Pour Gisèle Pelicot, il est trop tard, le mal est fait, avait énoncé avant lui son confrère Stéphane Babonneau, autre conseil de la victime. Les deux cents viols qu’elle a subis alors qu’elle était inconsciente, la brutalité des débats qui se tiennent dans cette salle, elle devra vivre avec pour le restant de sa vie. Mais si la publicité des débats permet de faire en sorte que d’autres femmes n’aient pas à en passer par là, alors cette souffrance qu’elle s’inflige tous les jours aura un sens. »
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