Le 13 avril 2016 marque les neuf ans de l’adoption de la loi abrogeant le délit de racolage pour le remplacer par la pénalisation des clients.
Mais dans les faits, très peu sont verbalisés.
Le nombre de femmes mineures victimes de proxénétisme est en large hausse depuis 2017.
Neuf ans après l’adoption de la loi, l’objectif n’est toujours pas atteint. La « violence prostitutionnelle » reste encore « largement invisibilisée » en France, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes (nouvelle fenêtre) qui fait état d’un faible nombre de clients verbalisés et d’une hausse marquée de la prostitution des mineures. Fruit de deux ans et demi d’intenses débats parlementaires, la loi du 13 avril 2016 (nouvelle fenêtre) avait marqué un tournant dans la politique française en abrogeant le délit de racolage pour le remplacer par la pénalisation des clients. Ces derniers sont désormais passibles d’une amende de 1.500 euros et de 3.750 en cas de récidive.
Mais dans les faits, très peu sont effectivement condamnés. « En 2024, les forces de sécurité intérieure ont réalisé 1.146 verbalisations de clients pour achat d’actes sexuels sur personne majeure, contre 1.160 en 2023 et 1.155 en 2022 », indique l’Observatoire qui relève de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof).
La moitié des contraventions sont dressées à Paris
Ces contraventions « sont très inégalement réparties sur le territoire », constate l’Observatoire : 58% d’entre elles ont été relevées à Paris quand sur la même période 36 départements n’en comptent aucune. Pour la secrétaire générale de la Miprof, Roxana Maracineanu, les victimes de la « violence prostitutionnelle » sont « encore largement invisibilisées, passant sous les radars des forces de sécurité et des pouvoirs publics en général ». En dépit du travail de certains professionnels sur le terrain qui « s’efforcent de poursuivre les auteurs, protéger et mettre à l’abri les victimes », les auteurs des violences, « qu’ils soient clients ou proxénètes, profitent d’un système qui sert leur impunité et donc leur commerce lucratif », déplore-t-elle.
En 2024, 1.579 victimes de proxénétisme ou de recours délictuel à la prostitution, c’est-à-dire commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes dont la minorité de la victime, ont été enregistrées par les forces de sécurité intérieure, soit une hausse de 9% par rapport à 2021. Sur ces 1 579 victimes, 920 étaient majeures et 659 mineures.
Objet d’inquiétude depuis plusieurs années, la hausse du nombre de victimes mineures de proxénétisme enregistrées se confirme. Depuis 2021, leur nombre a augmenté de 14% et « l’augmentation est de 107% pour le nombre de mineures victimes d’un achat d’actes sexuels ».
L’accompagnement des victimes reste limité
Si la pénalisation des clients stagne, la réponse judiciaire progresse. Entre 2017 et 2023, le nombre de condamnations prononcées pour proxénétisme, proxénétisme aggravé, recours à la prostitution, recours à la prostitution aggravée et de tenue d’un lieu de prostitution a augmenté de 106%. La loi de 2016 avait également mis en place un parcours de sortie de la prostitution pour accompagner les victimes, notamment sur le plan financier via l’Aide financière à l’insertion sociale. Mais depuis 2017, seules 1.783 personnes en ont bénéficié.
La Miprof émet une série de préconisations, parmi lesquelles une prévention accrue « du risque prostitutionnel » via les séances d’éducation à la vie sexuelle et affective ou encore l’amélioration de l’accès aux parcours de sortie de la prostitution. Selon les dernières estimations officielles, entre 35.000 et 40.000 personnes seraient en situation de prostitution en France. Sur ces 40.000 personnes, 85% seraient des femmes, 53% seraient Françaises, et parmi ces dernières, 60% seraient mineures.