Court-circuiter le savoir-faire. Débusquer ses habitudes. Ce chamboule-tout assumé est le moteur de la pièce explosive Ad Libitum, chorégraphiée et interprétée par Simon Le Borgne avec le danseur et batteur Ulysse Zangs. A l’affiche, vendredi 27 septembre, du festival Excentriques, piloté par La Briqueterie, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), ce duo bien accordé a soufflé des coups de vents contraires dans une escalade spectaculaire épatante.
Fallait-il les roulements de batterie chauffée à blanc de son complice de création pour déstabiliser Simon Le Borgne ? Sans doute. L’interprète virtuose, passé par l’Opéra national de Paris et le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, parle d’un exercice de « décontenancement », terme emprunté au livre L’Origine de la danse, de Pascal Quignard (Galilée, 2013), qui l’a inspiré. « J’ai un penchant à la fluidité, et j’avais envie de secouer mon geste en étant plus spontané, avec des qualités plus tranchantes, en lien avec la batterie, qui s’est révélée un accompagnement très fertile », résume Le Borgne. Il évoque le « rapport de force, presque de violence » développé avec son partenaire percussif.
« On rentre peu à peu ensemble dans une transe », précise Zangs, aussi épatant performeur que musicien. Egalement formé à l’Opéra de Paris, il a appris la danse classique et la batterie parallèlement depuis l’enfance et nourrit ses deux pratiques l’une de l’autre. « La batterie m’a permis de trouver le rythme dans mon mouvement, indique-t-il. Elle m’a appris la coordination et la dissociation des parties du corps. Quant à la danse et sa conscience anatomique extrême, elle m’a aidé à me relaxer en tapant et à avoir une aisance physique. » Il ajoute : « J’aime bien l’idée, par ailleurs, de jouer de la batterie en dansant et en imaginant des points de percussion internes invisibles quand je bouge. »
« Emulation réjouissante »
La batterie est-elle en train de devenir la meilleure amie des chorégraphes contemporains ? Désir d’un soulèvement sonore, de faire un maximum de bruit, d’ouvrir les vannes d’une certaine sauvagerie ? Cet instrument encombrant, qui focalise les regards, investit les plateaux, alors que la guitare électrique connaît une légère baisse d’intérêt. « Il y a une émulation réjouissante actuellement avec plein de propositions scéniques différentes », s’enthousiasme le batteur Didier Ambact, qui a lâché le rock pour la danse contemporaine il y a vingt ans. « Je voulais construire de nouvelles relations artistiques et humaines sur scène et je ne pouvais plus me contenter de celles toutes faites avec d’autres musiciens, confie-t-il. J’apprécie que, en spectacle, les interprètes et moi, nous envoyions mutuellement des rythmes. »
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