A partir d’aujourd’hui, vous ne verrez plus l’intérieur de votre réfrigérateur de la même façon. Une pomme de terre, un citron, un camembert, un poisson : en plus d’être des victuailles destinées à vous remplir l’estomac, ces aliments ont aussi une forme, une surface, une matière. Des qualités esthétiques qui ont tapé dans l’œil des photographes depuis belle lurette. Probablement réalisée entre 1822 et 1830, la deuxième image officiellement recensée de Nicéphore Niépce, pionnier de la photographie, s’intitule d’ailleurs La Table servie et montre les préparatifs d’un repas sur une nappe blanche…
A la galerie Les Douches, à Paris, une exposition pleine de trésors présente une sélection de différentes incursions des photographes dans le cadre modeste et intime de la cuisine, depuis les avant-gardes des années 1930 jusqu’aux photographes contemporains. Car c’est surtout au XXe siècle que les objets de la table suscitent l’intérêt.
« Dans l’entre-deux-guerres, les photographes quittent les sujets picturaux pour se pencher sur la banalité, le quotidien, explique Eric Rémy, le commissaire de l’exposition « Dans ma cuisine ». Les objets de la cuisine, en verre ou en métal, leur offrent une brillance, une texture, des cadrages nouveaux. Il y a aussi un goût pour les objets industriels, produits en série. »
Contraste entre l’inattendu et le familier
C’est lors d’un dîner chez le peintre Fernand Léger, en 1928, qu’André Kertész signe ce qui deviendra son image iconique : une simple fourchette (Fork) posée sur une soucoupe, plongée dans un jeu d’ombres sophistiqué – un tirage des années 1960 est présenté à la galerie. André Kertész l’a réalisée l’année où August Sander, qui cherchait à dresser un portrait sociologique complet de la société allemande en images, composait une autre photo célébrissime : le portrait d’un confiseur joufflu (Konditor, 1928), aussi rondouillard que sa marmite.
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