Publié quelques jours après les commémorations des attentats djihadistes du 13 novembre 2015, un sondage de l’IFOP sur le rapport des fidèles à l’islam a fait débat. Quatre associations musulmanes ont porté plainte, lundi 24 novembre, pour dénoncer le manque d’objectivité supposé du sondage, ont annoncé leurs avocats à l’Agence France-Presse.
Les conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l’Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication, le 18 novembre, du sondage IFOP « Etat des lieux du rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France ». Les CDCM sont l’échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ancienne instance de représentation de l’islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.
Ce sondage « viole le principe d’objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d’opinion », se « fonde sur des questions orientées » et se « focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques », accusent les avocats Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué. Selon eux, le sondage distille « le poison de la haine dans l’espace public », renforçant « les amalgames ».
Contacté, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l’IFOP, a affirmé qu’il répondrait à l’Agence France-Presse par écrit, ce qu’il n’avait pas fait dans l’après-midi.
« Fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer »
Le CFCM avait déjà déploré, vendredi, « une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses », avec des analyses et données « contestables ». L’enquête IFOP, basée sur un échantillon de 1 005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel Ecran de veille, qui se présente comme « le mensuel pour résister aux fanatismes ».
L’attention médiatique et politique s’est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87 % se considèrent comme religieux, 67 % disent prier « au moins une fois par jour », 83 % font le ramadan).
François Kraus écrit dans sa conclusion que « cette enquête dessine très nettement le portrait d’une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste ».
Le sondage a provoqué de vives réactions, l’extrême droite y voyant un signe d’« islamisation », tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté « une stigmatisation ». « A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer », affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz. Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci « grossier et réducteur » l’idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu’une observance stricte de l’islam soit la porte d’entrée mécanique vers l’islamisme.











