L’autre jour, mon fils de 6 ans est rentré de l’école avec une série de dessins au feutre, essentiellement composés de marron sur marron. J’ai mis un moment à comprendre qu’il s’agissait d’insectes vivant sous le sol – cloportes ou scolopendres, « même des scarabées », m’a-t-il précisé – occupés à arpenter des tunnels terreux. Autant dire que, étant donné les sources d’inspiration habituelles de mon enfant – chevalerie, piraterie, Star Wars –, ce type de sujet est une exception. C’est qu’il venait de voir Microcosmos. Le peuple de l’herbe, de Claude Nuridsany et Marie Perennou, avec sa maîtresse. Ce film multiprimé, sorti il y a presque vingt ans et qui n’a pas pris une ride à mes yeux, a été tourné au ras du sol. Il narre les aventures de héros microscopiques aux prises avec une goutte de rosée, au potentiel torrentiel, ou avec une boulette de crottin à monter sur une pente abrupte. Que mon fils dessine ensuite des coléoptères au lieu de son animal fétiche, le spectaculaire dragon de Komodo qu’il chevaucherait bien s’il le pouvait, est une réussite en soi, qui devrait donner un motif d’espoir aux scientifiques spécialistes du vivant.
Car il faut bien dire que, de feutres bicolores en aplats de peinture à l’eau, ce sont toujours les mêmes bestioles, ou presque, qui tiennent la vedette. C’est le constat établi après analyse de plusieurs centaines de dessins d’enfants, d’une dizaine de classes élémentaires parisiennes. Dans le cadre des ateliers de sensibilisation à la biodiversité proposés par l’Académie du climat, une structure municipale consacrée aux enjeux écologiques, les élèves d’une vingtaine d’écoles ont, en effet, été invités à dessiner « la nature ». Ce corpus graphique, rare, a ensuite attiré l’attention de Philippe Grandcolas, écologue, directeur adjoint scientifique de l’Institut écologie et environnement du CNRS, qui a proposé à Hélène Letourneur, illustratrice de métier et étudiante en médiation culturelle, de passer les dessins à la moulinette statistique.
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