Endoctrinée et abusée dès l’enfance, Lydia Hadjara est une victime de la secte de Raël.
Violences psychiques, sévices sexuels…
Elle a raconté ce dimanche dans « Sept à Huit » à Audrey Crespo-Mara ce que le gourou lui a fait subir.
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Sept à huit
Lydia Hadjara tente de se reconstruire. Et ce n’est pas une mince affaire. Cela fait désormais 17 ans qu’elle a fui la secte de Raël, un Français qui s’est autoproclamé prophète, et qui, à 78 ans, vit au Japon, entouré de jeunes adeptes. Mais les violences qu’elle a subies sont inscrites dans sa chair, comme elle le dévoile dans un livre, J’étais son esclave (City Éditions). Pour comprendre comment elle en est arrivée là, il faut remonter des années en arrière.
« Je suis rentrée dans cette secte par le biais de ma génitrice, celle qui m’a mise au monde. J’avais 4 ans », raconte-t-elle à Audrey Crespo-Mara dans la vidéo en tête de cet article, replay du portrait de la semaine diffusé ce dimanche dans « Sept à Huit ». « La doctrine de ce mouvement, c’est qu’on a été créé par des extra-terrestres, qui ont 25.000 ans d’avance sur nous, en laboratoire et Raël est là pour les représenter et leur créer une ambassade pour qu’ils puissent venir sur la Terre », explique-t-elle.
« Tout le monde s’embrasse, tout le monde s’enlace »
Dès son plus jeune âge, la sexualité est omniprésente au sein du mouvement. « Déjà, dans les livres de Raël, il est écrit qu’il faut ouvrir très tôt les enfants à la sexualité. Tout le monde s’embrasse, tout le monde s’enlace. C’est très tactile », dit-elle. À neuf ans, Lydia est repérée par Raël. « Je suis au bord de la piscine, il vient me voir et c’est comme si j’avais vu Mickey. Je voyais le prophète, le frère de Jésus. On me l’a vendu comme ça. Donc j’étais ébahie. Il me dit que j’étais très jolie et qu’on allait passer du temps ensemble plus tard », témoigne-t-elle, ajoutant que sa mère était « ravie ». « Elle vivait à travers ça. Son besoin de reconnaissance à elle était assouvi », assure-t-elle.
Et puis l’innommable débute : « Il a fallu très tôt que je commence à faire des fellations. L’année de mes 13 ans avec un guide qui était proche du prophète », lâche-t-elle, les yeux brillants. « Au début, il voit que je suis réticente et il me dit : ‘Je vais t’apprendre comme ça tu pourras faire plaisir au prophète' », ajoute-t-elle. L’adolescente va même subir un viol. Elle a à peine 15 ans. « C’est pour apprendre. C’est pour Raël. Je vais pouvoir le servir vraiment. Je commence à me dégoûter. Je commence à me haïr. Je commence à ne pas être bien », lâche-t-elle.
Je ne savais pas encore à l’époque que j’étais sous emprise. Je ne me rendais pas compte, mais je buvais ses paroles
Je ne savais pas encore à l’époque que j’étais sous emprise. Je ne me rendais pas compte, mais je buvais ses paroles
Lydia Hadjara
Avec le recul, Lydia dépeint la personnalité de ce gourou sans foi, ni loi comme quelqu’un de « très intelligent et très égocentrique ». « Tout tourne autour de lui et c’est un manipulateur né. Même quand on le surprend en train de mentir, on pense que c’est nous qui avons tort. Et puis, il est colérique », détaille-t-elle encore. Pour autant, la jeune femme reconnaît qu’elle était fascinée. « Je ne savais pas encore à l’époque que j’étais sous emprise. Je ne me rendais pas compte, mais je buvais ses paroles. Je le voyais, j’avais des frissons. C’était mon idole, c’était mon tout. C’était ma raison de vivre en fait. J’avais quatre ans quand ça a commencé », rappelle-t-elle.
À sa majorité, la jeune femme va avoir sa première relation sexuelle avec Raël. « Lui devait avoir 55 ou 56 ans », souligne-t-elle. Ce moment, elle ne l’a pas oublié. « On est monté dans sa chambre. Il avait une double chambre parce que de l’autre côté, il y avait sa compagne officielle. Donc, là, il me demande de me déshabiller (…) Il voit que je ne suis pas très à l’aise et il me dit : ‘Tu sais, tu vas me faire du bien. Tu vas sauver cette humanité en faisant du bien à ton prophète’. Je ne peux pas dire non, je suis privilégiée, j’ai de la chance. Je suis utile. Mon corps était là, mon esprit n’était pas là », avance-t-elle, tout en reconnaissant : « Il me dégoûte et j’ai envie de vomir ». Sa mère a-t-elle approuvé ? « Elle ne m’a jamais autant considérée qu’à cette période-là. Elle était très fière que sa fille soit une des élues de Raël », se souvient-elle.
Pourtant, Lydia va devoir assouvir les moindres désirs sexuels du gourou, même les plus obscènes. Dans ces moments-là, « mon esprit se détache de mon corps (…) Je vais penser à tout sauf à ce qui se passe. Et après, je prends des douches. Et là, je me sens sale. Je pense que c’est une sensation que j’aurai encore longtemps », craint-elle. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne voulait pas perdre cette place soi-disant privilégiée. « J’avais l’amour de ma génitrice, j’avais le regard des autres Raéliens, j’avais le dernier des prophètes qui me considérait », argumente-t-elle.
À 25 ans, la jeune femme va toutefois trouver la force de quitter cette secte. L’élément déclencheur, c’est une punition donnée par Raël. « Là, ça a été la honte, j’ai déçu le prophète et je ne sais pas, mon cerveau a dû dire stop », se rappelle-t-elle. S’ensuit une dernière nuit, la pire, selon elle. « Parce que là, il m’a marqué au fer comme on marque un animal. J’ai eu mal et le lendemain, je me suis enfuie », lance-t-elle. Mais Lydia l’avoue, elle n’a jamais porté plainte.
« Parce que pour moi, il était intouchable et jusqu’à il n’y a pas très longtemps, c’était ma faute. Comment dire à un juge : ‘Il m’a violée et je suis restée ?’ Comment faire comprendre ça à quelqu’un ? J’ai mis des années avant d’en parler réellement », lance-t-elle. Et elle l’admet : « Raël me hante encore aujourd’hui ». Quant à sa mère, elle est toujours dans la secte. « Je n’ai plus de nouvelles depuis à peu près 16 ans », conclut-elle.