La réforme de l’audiovisuel public s’enlise au Sénat : la gauche, hostile au projet soutenu par Rachida Dati, a entrepris, jeudi 10 juillet, de ralentir l’examen de ce texte, ciblant le « passage en force » de la ministre à la veille de la pause estivale des travaux parlementaires.
Suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille… En une après-midi de débats à la chambre haute, où l’ambiance est habituellement bien plus policée, les sénateurs ont à peine démarré l’examen de l’article premier de cette proposition de loi, qui vise à rassembler en une seule holding France Télévisions, Radio France et l’INA.
Les trois groupes de gauche ont en effet usé de nombreux points du règlement pour ralentir les débats en seconde lecture. Ils sont outrés que le gouvernement ait inscrit ce texte à l’ordre du jour du Sénat au pas de charge, après son rejet à l’Assemblée nationale.
Une accélération qui pouvait permettre à l’exécutif d’envisager sereinement une adoption du texte sans suspense à la chambre haute, où il est soutenu par la majorité droite/centre, voire une adoption définitive à l’automne, après un nouveau passage devant les députés.
« Ce passage en force ne nous permet pas d’examiner dans de bonnes conditions ce texte », a dénoncé la sénatrice socialiste Sylvie Robert. « L’audiovisuel public a un avenir. Il n’a pas à être sacrifié par la mascarade gouvernementale », a repris la cheffe des sénateurs communistes, Cécile Cukierman.
« Armes égales »
Dans le viseur de la gauche : la ministre de la culture, Rachida Dati, qui a repris à son compte la proposition de loi du sénateur centriste Laurent Lafon (UDI) et plaide depuis des mois pour que « l’audiovisuel public se batte à armes égales pour répondre aux enjeux qui sont face à lui », selon ses mots devant les sénateurs.
Mme Dati est déjà en conflit ouvert avec les salariés de l’audiovisuel public, qui s’opposent à la réforme. La querelle s’est envenimée après une passe d’armes en juin sur le plateau de l’émission « C à vous », sur France 5, face au journaliste Patrick Cohen.
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« Vous vous attaquez à ma personne, souvent de manière très indigne », a martelé jeudi la ministre à l’adresse de la gauche. « C’est une chose, mais l’intérêt général, nous en sommes tous comptables. C’est le seul combat qu’il faut mener pour préserver l’audiovisuel public », a-t-elle ajouté, avant de se murer dans le silence, ne prenant que très rarement la parole.
Pratiquer « l’obstruction »
Le tout dans un hémicycle quasiment vide, avec souvent moins d’une cinquantaine de sénateurs présents sur 348. La gauche y était en rangs plus nombreux que la droite, obligeant les Républicains à demander systématiquement des scrutins publics électroniques, qui leur permettent de voter pour les absents.
Cette désertion a par ailleurs permis à la gauche d’obtenir une heure de suspension de séance, en l’absence du quorum nécessaire au vote. S’en sont suivis de multiples débats techniques sur le règlement du Sénat, ralentissant encore l’examen. La gauche a par ailleurs promis de saisir le Conseil constitutionnel si le texte venait à aboutir.
La droite et le centre ont accusé les oppositions de pratiquer de « l’obstruction ». « Nous faisons du surplace », a lancé la centriste Annick Billon. « Tout est fait pour essayer de contourner ce débat et de l’éviter », s’est désolé le rapporteur LR Cédric Vial. Les représentants de la majorité sénatoriale se sont dits prêts à siéger vendredi, et même « peut-être samedi, dimanche et les jours suivants », pour mener les débats à leur terme, selon Laurent Lafon.
A ce stade, vendredi est le dernier jour de la session parlementaire extraordinaire avant la suspension estivale des travaux. Mais le gouvernement a la main sur le calendrier, qu’il peut en théorie encore prolonger s’il le souhaite.